Allergies alimentaires en milieu scolaire: faudra-t-il un drame pour qu’on agisse?

Environ 20 % des réactions allergiques graves surviennent à l’école, rapporte l’autrice.
Romain Perrocheau Agence France-Presse Environ 20 % des réactions allergiques graves surviennent à l’école, rapporte l’autrice.

L’anaphylaxie d’origine alimentaire a augmenté de façon spectaculaire au cours des dernières décennies : certains pays rapportent une croissance de 350 % des admissions à l’hôpital. De plus, environ 20 % des réactions allergiques graves surviennent à l’école. Peu de données sont cependant recensées et publiées sur cette question au pays, ce qui illustre le manque d’attention des ministères de la Santé et de l’Éducation à cet égard.

Le Québec est malheureusement dernier de classe en matière d’encadrement des élèves allergiques, étant la seule province canadienne à n’avoir aucune réglementation ou législation sur le sujet. Cela laisse à chaque centre de services scolaire et direction d’école le soin d’établir et d’appliquer son propre protocole comme il le peut.

Il en résulte des pratiques douteuses, comme la conservation d’auto-injecteurs au secrétariat de l’école plutôt qu’à la portée immédiate de la personne allergique, ou encore des mesures inefficaces comme le bannissement de certains aliments et l’isolement d’élèves allergiques durant les repas.

À ce propos… revenons au fameux bannissement d’allergènes dans les écoles : cette interdiction d’inclure des aliments à haut potentiel allergénique dans les repas des enfants. Popularisée dans les années 2000, cette action se voulait un filet de sécurité pour protéger les jeunes allergiques d’un éventuel contact accidentel avec les arachides ou les noix, que l’on considérait alors comme les principaux coupables de réactions allergiques graves.

La situation a bien changé, et aujourd’hui, une dizaine d’aliments sont recensés par Santé Canada comme étant des allergènes prioritaires. À eux seuls, ils représentent environ 90 % des réactions allergiques. Considérant qu’une réaction sévère sur cinq survient dans les écoles, tel que mentionné ci-haut, il est utopique de penser que le retrait de certains aliments assure la protection des jeunes allergiques. Au contraire, un faux sentiment de sécurité peut être transmis à ces enfants, qui sont habituellement bien conscients de leur condition, et donc habitués à ne pas partager leur repas.

Le manque flagrant de standardisation et d’encadrement a pourtant été signifié aux instances gouvernementales concernées depuis plus de 15 ans par divers organismes, groupes de travail et coalitions. De multiples actions, rencontres et même le dépôt d’un projet de loi sont restés lettre morte. Cet important enjeu de santé publique stagne.

Allergies Québec milite pour cette cause depuis plus de 30 ans. Cette association de patients a récemment collaboré avec la Direction régionale de santé publique de Montréal et autres acteurs clés pour l’élaboration d’un guide de bonnes pratiques en matière d’anaphylaxie. Celui-ci a été distribué aux écoles de la région et est disponible en ligne, mais son utilisation demeure à la discrétion des établissements.

Il est donc impératif que le gouvernement reconnaisse l’importance et l’urgence de mettre en place des directives claires et scientifiquement solides, ainsi qu’une formation adéquate pour les intervenants, enseignants et autres membres du personnel. Assurons convenablement la sécurité des 75 000 enfants allergiques fréquentant les écoles du Québec.

Notre province voisine l’Ontario l’a fait en adoptant en 2006 la loi Sabrina, deux ans après le décès d’une jeune fille d’une réaction anaphylactique à son école.

Au Québec, le dernier décès lié aux allergies alimentaires en milieu scolaire s’est produit en 2011.

Pourquoi encore attendre ?

* Ont aussi signé ce texte :

Stéphanie Arsenault, enseignante en adaptation scolaire
Caroline Ayotte, maman d’un enfant allergique
Amélie Baraby, secrétaire, conseil d’administration d’Allergies Québec
Véronique Bastien, technicienne en diététique au CHU Sainte-Justine
Olivier Beaudoin, trésorier, conseil d’administration d’Allergies Québec
Dr Moshe Ben-Shoshan, allergologue pédiatrique, Hôpital de Montréal pour enfants
Alexandre Bigras, directeur général, Collège français annexes Montréal et Longueuil
Annie Bolduc, physiothérapeute et maman d’enfants allergiques
Marie-Eve Bouchard, nutritionniste
Maryse Boutin, nutritionniste au CHU Sainte-Justine et membre du comité scientifique d’Allergies Québec
Jennifer Brodeur, administratrice, conseil d’administration d’Allergies Québec
Guillaume Brunet, président sortant, conseil d’administration d’Allergies Québec
Luigi Carola, administrateur, conseil d’administration d’Allergies Québec
Tamara Chiasson, directrice, Exponentiel Conseil
Jaime Damak, maman d’un enfant allergique
Kim Dufour, maman d’un enfant allergique
Dre Marie-Josée Francoeur, administratrice au conseil d’administration d’Allergies Québec et allergologue pédiatrique à l’hôpital Charles-Le Moyne
Christine Gadonneix, nutritionniste
Dr Rémi Gagnon, allergologue à la Clinique spécialisée en allergies de la Capitale et président de l’Association des allergologues et immunologues du Québec
Jennifer Gerdts, executive director, Food Allergy Canada
Cosette Gergès, nutritionniste pour Nutritionnistes en pédiatrie et membre du comité scientifique d’Allergies Québec
Anne-Marie Hamel, cheffe de contenu, Allergies Québec
Dr Simon Hotte, allergologue à la clinique MédiGo (Gatineau) et membre du comité scientifique d’Allergies Québec
Renée-Maude Jalbert, administratrice, conseil d’administration d’Allergies Québec
Gertie Kreling, conseillère en philanthropie et coordonnatrice à l’administration, Allergies Québec
Brigitte Lafleur, porte-parole et maman d’un enfant allergique, Allergies Québec
Kim Leduc-Murray, directrice des opérations, Allergies Québec
Hélène Leroux, nutritionniste
Dr Andrew Moore, allergologue, Johns Hopkins Regional Physicians, et membre du comité scientifique d’Allergies Québec
Vanessa Perrone, nutritionniste et maman d’un enfant allergique
François-Xavier Seigneur, administrateur, conseil d’administration d’Allergies Québec
Dominique Seigneur, directrice des communications, Allergies Québec
Andréanne Tremblay-Lebeau, nutritionniste et chargée de santé, Allergies Québec
Marie-Christine Trépanier-Houle, directrice-conseil, Exponentiel Conseil
Valérie Vaillancourt, nutritionniste

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