La reconversion d’immeubles de bureaux, une occasion à saisir

« Dans les diverses réflexions menées à Montréal sur la reconversion d’immeubles de bureaux, New York peut servir d’inspiration, mais il faudra trouver des solutions spécifiques au contexte montréalais », écrit l'auteur.
Photo: Hubert Hayaud archives Le Devoir « Dans les diverses réflexions menées à Montréal sur la reconversion d’immeubles de bureaux, New York peut servir d’inspiration, mais il faudra trouver des solutions spécifiques au contexte montréalais », écrit l'auteur.

Dans le contexte où les taux de vacance des immeubles de bureaux sont élevés ; où le télétravail semble vouloir s’installer solidement pour les prochaines années ; où les entreprises doivent tabler sur des espaces de travail modernes de haute qualité pour y attirer la main-d’œuvre ; et où il y a une véritable crise du logement, la conversion de certains immeubles de bureaux semble représenter une des solutions à privilégier.

Pour renforcer le dynamisme du centre-ville et contribuer à accroître l’offre de logements, cela constitue probablement un outil supplémentaire, même si l’on est conscient que cela ne saurait être une panacée.

On peut aussi formuler l’hypothèse que les travailleurs habitant le centre-ville, ou ses abords, sont susceptibles de se présenter plus souvent au bureau. En ce sens, y aménager plus de logements peut ainsi renforcer l’activité de bureau, tout en contribuant au dynamisme commercial et culturel du centre-ville.

Au sujet de la reconversion d’immeubles de bureaux en logements résidentiels, dans « Convertir des bureaux vides en logements, une lubie ? », Isabelle Porter souligne : « Pour l’instant, le phénomène demeure marginal, mais la formule subit ses premiers tests. »

New York

New York déploie tout un arsenal pour revitaliser, voire réinventer, ses quartiers d’affaires. En décembre 2022, un plan d’action commun (État-ville), “New” New York: Making New York Work for Everyone, est dévoilé, lequel définit 40 initiatives à déployer, dont plusieurs concernent les quartiers d’affaires.

En outre, le conseil de ville adoptait en 2022 une loi locale pour mettre en place un groupe de travail en vue d’étudier et de faire des recommandations concernant la reconversion d’espaces commerciaux vers d’autres usages, notamment l’habitation, dont l’habitation abordable. Le groupe de travail a amorcé ses travaux en juillet 2022.

Le 9 janvier dernier, le maire de New York dévoilait le rapport dudit groupe en présentant les recommandations comme un effort de son administration pour revitaliser les quartiers d’affaires centraux et accroître l’offre de logements. Soulignons la qualité de ce document, fort intéressant et instructif.

Les recommandations du groupe de travail concernent essentiellement des modifications à apporter à la réglementation pour l’assouplir, la moderniser et la rendre plus cohérente, ainsi que la mise en place d’incitatifs financiers soutenant l’insertion de logements abordables et de garderies.

Leur mise en place pourrait entraîner la création de 20 000 nouveaux logements au cours des 10 prochaines années. Les nouvelles règles, notamment celle rendant admissibles les immeubles construits avant le 31 décembre 1990, visent un bassin potentiel d’environ 136 millions de pieds carrés. Au cours des 10 dernières années, sans intervention particulière, environ 10 millions de pieds carrés de bureaux auraient été convertis pour des usages résidentiels.

Montréal

Dans son étude du printemps 2022, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain indiquait que si les récentes tendances se maintenaient, le taux d’inoccupation au centre-ville pourrait atteindre 21 %, une hausse touchant essentiellement les immeubles de catégories B et C.

Toutefois, la Chambre signalait : « On anticipe cependant que ce choc sera moindre, en partie atténué par des facteurs tels que la croissance économique et des entreprises établies au centre-ville, l’arrivée de nouveaux joueurs et l’adoption de nouvelles exigences concernant l’espace de travail par employé et la disponibilité d’espaces collaboratifs. »

À l’automne 2022, le Groupe Altus avançait que le taux d’inoccupation au centre-ville, pour les immeubles de catégorie A et B, pourrait atteindre en 2027 entre 21 % et 29 %, selon le scénario envisagé.

Selon le plus récent rapport de CBRE, le taux d’inoccupation dans la région de Montréal a atteint à la fin du quatrième trimestre de 2022 un nouveau sommet, soit 17,0 %. Pour le quartier central des affaires, ce taux est de 16,0 %. Des données obtenues auprès de CBRE montrent que le taux d’inoccupation des immeubles de catégorie A dans le quartier central des affaires était de 13,0 %, en légère baisse par rapport au trimestre précédent, contre 20,2 % pour les immeubles de catégorie B.

Selon les auteurs de ce rapport, « la rareté de la main-d’œuvre, les politiques de télétravail et l’optimisation de l’espace continuent de contribuer à la contraction de la superficie occupée dans le Grand Montréal. Cette tendance est surtout flagrante dans les immeubles de catégorie B ». Des perspectives positives pour les immeubles de catégorie A du centre-ville sont signalées, mais on rappelle que le sous-marché du centre-ville de Montréal est encore sous le joug d’une récession potentielle et des répercussions de la pandémie.

Rappelons qu’il y a environ 55 millions de pieds carrés d’espace de bureaux (catégories A, B et C) au centre-ville. Il apparaît donc probable, selon divers scénarios, que quelques millions de pieds carrés demeurent vacants au cours des prochaines années, d’autant que certains espaces risquent d’être désuets et donc de ne pas répondre aux besoins modernes des entreprises cherchant un emplacement au centre-ville ou à y croître.

L’ensemble des analyses et des initiatives mises en place dans d’autres villes laissent croire qu’il y a certainement un potentiel quant à la réutilisation adaptative de certains immeubles du centre-ville. Il reste à évaluer pour chacun de ces immeubles la faisabilité technique, réglementaire et financière ainsi que la volonté des propriétaires.

Dans les diverses réflexions menées à Montréal sur la reconversion d’immeubles de bureaux, New York peut servir d’inspiration, mais il faudra trouver des solutions spécifiques au contexte montréalais et aux objectifs poursuivis par l’administration municipale.

La situation mérite une attention particulière. Toutefois, Montréal a l’avantage par rapport à bien des villes nord-américaines d’avoir un centre-ville, y compris son quartier des affaires, dynamique, diversifié et habité. Contrairement à d’autres, Montréal n’a pas à réinventer son centre-ville. En fonction des nouvelles réalités, des actions doivent être toutefois déployées pour renforcer son attractivité et son rayonnement.

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