Le Québec mal servi par le statu quo électoral

Des gens font la queue pour voter, lors des élections générales du 3 octobre 2022, à Montréal.
Graham Hughes La Presse canadienne Des gens font la queue pour voter, lors des élections générales du 3 octobre 2022, à Montréal.

Quand l’un des conseillers politiques du premier ministre François Legault m’a téléphoné en décembre 2021, peu avant Noël, pour m’annoncer que le gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ) abandonnait définitivement la réforme du mode de scrutin pourtant bien amorcée, parmi les prétextes et les plates excuses qu’il m’a alors servis, il m’a notamment déclaré que le Québec était mieux servi par le statu quo, car celui-ci nous donnait, avec ses majorités parlementaires, un puissant rapport de force face à Ottawa.

En reprenant ce vieil épouvantail constamment brandi par les partisans du statu quo et autres adversaires d’une vraie démocratie représentative, ce conseiller chevronné était fier de me dire que le premier ministre et sa garde rapprochée adhéraient maintenant à cette idée.

Aujourd’hui, je me demande si François Legault et ses fins stratèges n’ont pas la queue entre les deux jambes, après quatre ans et demi de rebuffades de la part de Justin Trudeau… lui-même à la tête d’un gouvernement minoritaire, donc en principe plus faible ! Le constat est implacable : deux mandats avec de grosses majorités parlementaires grâce à un système démocratiquement déficient qui permet l’accession au pouvoir avec 37 % ou 41 % des suffrages exprimés ne confèrent absolument aucun rapport de force supplémentaire au Québec ! Pas plus que dans le passé, d’ailleurs.

À l’évidence, un gros caucus ne suffit pas à infléchir les volontés du gouvernement central. Japper fort permet de faire les manchettes, mais ne change rien à l’ordre établi au Canada. Pour faire bouger les plaques tectoniques du fédéralisme canadien, il faudrait être prêt non seulement à claquer la porte, mais, surtout, il faudrait avoir convaincu une majorité solide de la population d’accepter le défi de rompre définitivement les amarres pour obtenir gain de cause dans les litiges majeurs. Or, quand on abdique avant même de commencer les grandes manoeuvres, on est plutôt mal positionné pour ensuite faire de véritables gains.

Le Québec est certes plus fort devant Ottawa quand, avec l’appui unanime de l’Assemblée nationale, il parle d’une seule voix. Mais le passé récent autant que plus ancien démontre que ce n’est pas suffisant. Et prétendre qu’il faut conserver le vieux système électoral anglais pour protéger notre caractère distinctif et nous faire faire des gains face au Canada anglais est un argument fallacieux, sinon carrément mensonger.

Un nouveau mode de scrutin proportionnel, comme celui que propose le Mouvement Démocratie nouvelle — et tous les partis politiques qui ont été au pouvoir depuis 1976 —, permettrait-il de faire mieux à cet égard ? A priori, pas vraiment. Mais, parce qu’il favoriserait l’avènement d’une culture politique plus rassembleuse, fondée sur des majorités parlementaires représentant des majorités populaires, cela susciterait une plus grande solidarité citoyenne et consoliderait notre cohésion autant que notre force collective.

De plus, démontrer une véritable capacité québécoise d’avoir des institutions politiques distinctes créerait sans doute un nouvel engouement pour la chose politique. Faire en sorte que chaque vote puisse compter vraiment lors des élections générales augmenterait le pouvoir citoyen et la confiance des gens en leur capacité d’affronter les grands défis politiques qui nous interpellent chaque jour un peu plus. La participation électorale de plus en plus en déclin pourrait connaître des remontées fort importantes.

Malheureusement, en renonçant à aller au bout de sa promesse de réaliser le grand rêve démocratique de René Lévesque, François Legault doit et devra se contenter d’un piètre bilan face à l’Histoire. Il n’aura obtenu que des miettes en regard de tous les gains promis concernant le pouvoir québécois et il aura raté l’occasion de doter son peuple d’une démocratie moderne, juste, inspirante, vigoureuse et exemplaire. Cela dit, en ce début de législature, il est encore temps qu’il revienne sur sa décision… Lui et le Québec en entier pourraient y gagner beaucoup !

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