La langue n’est pas un jeu à somme nulle

Le Québec a récemment adopté la loi 32 (Loi sur la liberté académique dans le milieu universitaire). C’était un projet de loi qui visait à protéger ce qu’il définissait comme « le droit de toute personne de s’engager librement et sans contrainte doctrinale, idéologique ou morale » dans les établissements d’enseignement supérieur. Le même type de liberté d’expression devrait être encouragé dans la sphère politique. Pourtant, tant nous que d’autres collègues avons fait l’objet d’attaques incessantes dans les médias francophones du Québec pour nous être opposés à ce que la loi 96 du Québec soit incluse dans la Loi sur les langues officielles. C’est regrettable, il devrait être possible de faire valoir les préoccupations de la communauté linguistique minoritaire de la province sans ce genre de vitriol.
Nous comprenons tous les deux que le français est menacé et qu’il faut promouvoir la langue française partout au Canada, y compris au Québec. Nous reconnaissons que le français est la langue officielle du Québec. Cependant, nous ne croyons pas que la langue soit un jeu à somme nulle. Ce n’est pas la minorité anglophone extrêmement bilingue du Québec qui menace la langue française, et il est possible de promouvoir le français sans réduire les services gouvernementaux en anglais.
Presque aucun des commentateurs qui se sont prononcés sur la question n’a discuté de la raison pour laquelle les références à la Charte de la langue française sont nécessaires dans la Loi sur les langues officielles et de l’effet que cela aurait. Cette loi couvre l’obligation du gouvernement fédéral (et des sociétés d’État et d’un nombre très limité d’entreprises privées comme Air Canada) d’offrir des services en français et en anglais partout au pays et traite de la langue de travail dans la fonction publique fédérale. Elle ne vise pas les entreprises privées sous réglementation fédérale, actuellement visées par une loi complémentaire.
Elle ne traite pas non plus de l’accès aux services des gouvernements provinciaux ou des municipalités. Il ne s’agit pas de savoir si les collectivités ont des journaux, des hôpitaux ou des théâtres. Ceux qui s’opposent à notre position n’arrêtent pas de faire référence aux nombreuses institutions anglophones de la région de Montréal. Ils évitent d’en mentionner la raison.
Près de 900 000 Québécois anglophones vivent à une distance de conduite du centre-ville de Montréal. La communauté y a bâti des institutions pendant 250 ans. Ce n’est pas le cas pour les Québécois anglophones qui vivent en Gaspésie, en Abitibi ou à Rimouski. Les Québécois anglophones ont des besoins et des défis différents selon l’endroit où ils vivent dans la province.
C’est la même chose pour les communautés francophones hors Québec. Une personne francophone vivant dans le nord du Nouveau-Brunswick peut généralement vivre en français et obtenir tous ses services en français. Il n’en va pas de même pour les francophones dans la plupart des autres régions du pays. Chaque communauté linguistique minoritaire a sa propre expérience et c’est le rôle du gouvernement du Canada d’essayer d’offrir tous ces services fédéraux de façon égale.
Les critères de la Loi sur les langues officielles pour recevoir des services en français ou en anglais sont exactement les mêmes partout au pays. Lorsque vous vous rendez à un comptoir de Service Canada, à un bureau de poste ou à un autre établissement géré par le gouvernement fédéral, les mêmes règles sont utilisées pour déterminer si des services bilingues sont offerts ou si les services sont offerts uniquement en français ou en anglais.
Quel but ?
À ce titre, quels seraient le but et l’effet de l’incorporation de références à la Charte de la langue française telle que proposée par le Bloc et les conservateurs ? Il est important de noter que le représentant du Bloc au comité a dit clairement qu’il ne reconnaît pas la minorité anglophone du Québec comme une minorité, malgré cette reconnaissance dans la Charte de la langue française.
Se référer à la Charte de la langue française et dire que le gouvernement fédéral doit considérer le régime linguistique du Québec dans le contexte de la Loi sur les langues officielles n’améliore pas les services en français aux minorités francophones hors Québec. Il n’améliorerait pas non plus les services en français au Québec puisque tous les services fédéraux sont offerts en français au Québec.
Le seul effet substantiel de certains de ces amendements serait de limiter les services offerts par le gouvernement fédéral en anglais au Québec. C’est inacceptable. Il ne serait pas acceptable non plus que nous disions simplement que la loi 96 s’applique aux entreprises privées sous réglementation fédérale. Cela reviendrait à abdiquer la responsabilité du Parlement du Canada à une assemblée législative provinciale, quelle que soit la façon dont elle a fini par modifier sa loi. Cela ne devrait pas se faire dans presque toutes les circonstances imaginables.
Par conséquent, les références à la loi 96 dans la Loi sur les langues officielles sont inutiles et, à notre avis, devraient être évitées.