La sourde agonie du français en science

Si vous trouvez que la situation du français à Montréal est préoccupante, ne regardez pas ce qui se passe en recherche, dans nos universités et laboratoires : au Québec, pratiquement 100 % des articles scientifiques publiés sont rédigés en anglais. Pendant que des députés libéraux du West Island déchirent leur chemise pour nous empêcher de protéger le français, la langue de Marie-Victorin agonise en science, et le gouvernement fédéral est aux abonnés absents.
La proportion d’articles scientifiques publiés en français au Québec a dramatiquement dégringolé au cours des dernières décennies. Dans les faits, en sciences naturelles et médicales, le français a disparu.
Les données sont sans appel : selon l’Observatoire des sciences et des technologies, la proportion d’articles scientifiques publiés en français au Québec est passée de 4 % en l’an 2000 à 0,6 % en 2021. En sciences sociales, dernier retranchement de la science francophone en Amérique du Nord, le constat est semblable : 70 % des articles récents étaient en anglais alors que cette proportion se situait à moins de 50 % en 1980.
Il ne s’agit plus d’un déclin, mais bien d’une chute libre. Et ça se passe dans l’indifférence généralisée.
Des raisons de s’en soucier
S’il est vrai que les scientifiques français, allemands ou japonais publient eux aussi de plus en plus en anglais, ils évoluent, eux, dans un contexte où leur langue nationale n’est pas menacée. Au Québec, l’anglais n’est pas neutre. Son utilisation contribue à renforcer un espace culturel et linguistique anglophone alors même que l’anglais prend du grade dans tous les pans de la société québécoise.
Une langue, c’est plus que des mots ; plus qu’un simple outil de travail interchangeable. La nôtre est intimement liée à notre histoire, à notre culture, et elle est toute désignée pour répondre aux enjeux auxquels font face nos communautés. En publiant en français, on permet aux citoyens, dont les impôts ont financé la production de connaissance savante, d’y avoir accès dans leur langue.
Le gouvernement d’un pays ayant deux langues officielles se doit d’offrir un écosystème de financement de la recherche où les chercheurs ont une possibilité réelle de soumettre leurs demandes de financement dans leur langue. Alors que les demandes de financement en français oscillent entre 5 % et 12 % au Canada, on ne peut prétendre que c’est le cas.
Quelles solutions ?
Lorsqu’il a été interrogé en comité sur les mesures concrètes mises en place par son gouvernement pour protéger le français en science, le ministre responsable des Sciences, François-Philippe Champagne, s’est limité à dire qu’il demeurait « vigilant ». Ça en dit long sur le désintérêt du gouvernement libéral sur la question.
La communauté scientifique francophone ne manque pourtant pas de mesures positives pour améliorer son sort. Soutien financier au Service d’aide à la recherche en français (SARF), piloté par l’Acfas ; meilleur financement des revues et des diffuseurs de connaissances savantes francophones ; révision des critères et de la composition des comités d’évaluation et octroi de fonds à la traduction des publications sont quelques mesures qui pourraient permettre aux chercheurs francophones de garder la tête hors de l’eau.
Il y a urgence d’agir, et le gouvernement libéral doit faire plus pour éviter que la chute libre du français en science ne se termine par un atterrissage brutal.