Québec, société «distincte»

« Quand je regarde autour de moi, je vois toute une génération de jeunes bilingues, trilingues, polyglottes, qui ont parcouru le monde et qui rêvent de faire connaître leurs propres contributions à la société », écrit l’autrice.
Photo: Jacques Nadeau archives Le Devoir « Quand je regarde autour de moi, je vois toute une génération de jeunes bilingues, trilingues, polyglottes, qui ont parcouru le monde et qui rêvent de faire connaître leurs propres contributions à la société », écrit l’autrice.

Si un jour le Québec devient souverain, j’aimerais que ce le soit parce qu’on a décidé de bâtir des ponts plutôt que de semer la division. Qu’en tant que nation, on a décidé de se lever et d’être à l’avant-scène de la transition énergétique, des cours d’éducation sexuelle et du processus de réconciliation avec un cadre de vie commun fondé sur le respect. Pendant que nos politiciens déchirent leurs chemises sur des feux de paille, je réfléchis à qui je suis et à l’endroit où je me situe sur ce grand échiquier.

Mon grand-père a falsifié ses papiers afin d’entrer dans l’armée à 14 ans lors de la Deuxième Guerre mondiale. Il s’est battu pour notre démocratie au nom de la Couronne britannique, car il a répondu à l’appel de Winston Churchill avant l’appel sous les drapeaux ici. Ma mère a quant à elle directement participé à l’essor de l’économie québécoise en bâtissant un modèle de régionalisation de l’immigration alors qu’elle venait tout juste d’apprendre le français et qu’elle avait encore un lourd accent. Grâce à elle et à toutes les familles qui ont choisi de s’établir en Beauce, plusieurs villages et entreprises ont réussi à demeurer ouverts.

Forte des savoirs et des expériences de tous mes ancêtres (tant africains qu’européens et sud-américains), j’ai voué toute ma jeunesse à une mission qui me dépasse complètement : la lutte contre les agressions sexuelles. Quand je regarde autour de moi, je vois toute une génération de jeunes bilingues, trilingues, polyglottes, qui ont parcouru le monde et qui rêvent de faire connaître leurs propres contributions à la société. Qu’ils soient nés ici ou ailleurs. Cette majorité silencieuse peine à trouver sa place dans une société qui creuse l’écart entre les générations et qui s’accroche à des modèles sociétaux d’autrefois.

Éducation, justice, mode de scrutin, environnement, santé mentale : nous sommes délaissés par nos élites, qui lisent et écoutent trop d’idéologues conservateurs (voire d’extrême droite). L’appel à la nation que M. Legault a fait lors de la dernière campagne électorale fédérale était dystopique, peu importent nos allégeances politiques. Personnellement, je ne fais plus de jaloux : je ne vote plus. Aucun parti à l’heure actuelle ne me représente, je fais partie de ces jeunes « égoïstes » qui s’impliquent dans les causes qui les interpellent personnellement, qui voyagent et qui sont surtout ouverts sur le monde.

Si nous sommes si nombreux à ne plus écouter la télé ou à ne plus se forcer pour suivre « la joute politique », c’est peut-être le signe qu’il est temps d’écrire notre propre constitution sur Internet (comme l’a fait l’Islande) et de jeter aux oubliettes cette vieille façon de faire qui divise tout en semant la haine. Souhaiter réduire les inégalités à l’ère « postpandémie » ne devrait pas être perçu comme un échec de société, mais comme un signe de progrès. Plus que jamais, il faut se mobiliser face à l’effondrement climatique à venir plutôt que d’entrer dans des « controverses » qui visent uniquement à conserverle « pouvoir » (ou à se battre pour l’obtenir) tous les quatre ans.

Je n’ai aucunement confiance en un mouvement de « libération » financé par l’étranger et propulsé (au moyen de l’algorithme) sur nos réseaux sociaux par l’ingérence américaine. Le leadership — le vrai — est une denrée en voie d’extinction, particulièrement quand on voit les écoles tomber en décrépitude, que certaines communautés n’ont toujours pas accès à l’eau potable et que le coût du panier d’épicerie ne cesse d’exploser d’une semaine à l’autre sans aucune solution viable en vue.

À l’aube d’une potentielle troisième guerre mondiale, nous devrions commencer à planifier une transition juste et équitable pour tous et toutes si vraiment on s’intéresse à notre « identité » québécoise. Les Québécois que je connais sont le plus souvent ouverts et curieux face à la différence. Je suis une fille de région. J’ai essayé Montréal, et partout j’ai trouvé de l’amour quand on se donnait le moindrement le temps de s’apprivoiser, de discuter.

Plus que jamais, le monde est connecté. Nous avons des centaines de milliers de communautés en ligne, l’ensemble des savoirs de l’humanité au bout des doigts et, bien sûr, le plus laid aussi. On n’a plus d’excuses. On connaît l’histoire, il y a plein de films et de séries Netflix pour nous la rappeler. Il serait temps pour nos institutions de se moderniser si elles ne souhaitent plus être dépassées, le monde est ailleurs. Il est temps de les transformer, car on le doit aux prochaines générations.

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