Mode d’emploi pour faire face à la révolution des robots

Il est plus que jamais important d’enchâsser le « droit à l’intégrité numérique » dans la charte québécoise des droits et libertés de la personne, observe l’auteur.
iStock, montage Le Devoir Il est plus que jamais important d’enchâsser le « droit à l’intégrité numérique » dans la charte québécoise des droits et libertés de la personne, observe l’auteur.

Les prouesses du robot conversationnel ChatGPT, basé sur l’intelligence artificielle (IA) du laboratoire OpenAI, frappent l’imagination et nous forcent à réagir à ce nouveau « choc du futur ». Plusieurs craignent déjà qu’avec l’IA, l’usurpation d’identité en ligne prenne une dimension cauchemardesque ; d’autres se demandent, à tort ou à raison, si elle provoquera des licenciements massifs dans plusieurs secteurs de l’économie.

Au lieu de vaciller entre la stupéfaction technophile et l’anxiété technophobe face à ces développements technologiques disruptifs, la génération des enfants du numérique devrait se ressaisir et se mobiliser pour revendiquer de nouveaux droits afin de reconstruire notre avenir dans une « société du risque ».

Droit à l’intégrité numérique

Dans un monde où l’IA peut déjà être utilisée à mauvais escient pour générer de fausses images de vous ou imiter votre voix en trois secondes, il est plus que jamais important d’enchâsser le « droit à l’intégrité numérique » dans la charte québécoise des droits et libertés de la personne, et ce, afin de protéger les données personnelles qui font partie de nos vies numériques.

En tant qu’extension du droit à la vie et à l’intégrité physique ou morale, ce droit émergent serait le socle sur lequel pourrait reposer l’ensemble des droits numériques (droit à la connexion et à la déconnexion, droit à l’oubli, droit à une assistance d’IA, etc.) qui peuvent être revendiqués comme étant nécessaires à notre liberté et à notre épanouissement dans une société numérisée.

Pour que la reconnaissance quasi constitutionnelle de ce droit fondamental ne soit pas vouée à rester lettre morte au Québec, les législateurs québécois devront aussi élaborer des réglementations efficaces pour interrompre, voire interdire, non seulement les usages nuisibles de l’IA, mais aussi les mécanismes fondamentaux de l’« économie de surveillance » numérique.

Droit à un projet de transition professionnelle

Il ne semble pas y avoir de consensus sur la question suivante : l’IA va-t-elle ultimement créer autant d’emplois qu’elle va en détruire ? Toutefois, nous pouvons anticiper qu’elle contribuera à l’actuelle précarisation des emplois et au creusement du fossé entre les bons et les mauvais emplois.

Dans une société postindustrielle où la formation renforce l’employabilité plutôt que l’ancienneté, il est navrant de constater que les travailleurs au Québec doivent assumer seuls la lourde responsabilité de mettre à jour leurs connaissances et d’assurer leur parcours professionnel. Ils n’ont pas les droits ni les soutiens appropriés pour y parvenir efficacement.

L’un des réels progrès sociaux en France, ainsi que dans d’autres pays du monde qui expérimentent différents moyens de favoriser la formation continue, est d’avoir mis à la disposition des travailleurs des congés rémunérés qui leur permettent de s’absenter de leur poste pour suivre une longue formation afin de changer de métier ou de profession.

En enchâssant le « droit à un projet de transition professionnelle » dans les normes du travail du Québec et en instaurant un programme de « garantie d’emploi », nous réussirions une réorientation plus fluide vers les emplois du futur.

De plus, nous pourrons libérer le temps nécessaire permettant de nous initier à la citoyenneté numérique et d’apprivoiser les robots afin que personne ne soit désavantagé par rapport à ceux déjà passés maîtres dans l’art de charmer des IA.

Droit à la gratuité d’accès aux biens et services essentiels

Face à la possibilité, réelle ou imaginaire, que l’IA devienne la plus grande faucheuse d’emplois de l’histoire, des voix progressistes s’élèvent pour demander l’instauration d’un revenu de base comme solution au chômage technologique.

Toutefois, il est important de comprendre pourquoi les seigneurs techno-féodaux de la Silicon Valley (Bezos, Musk, Zuckerberg et compagnie) embrassent aussi l’idée d’un revenu de base qui serait versé à chaque citoyen par nos gouvernements nationaux.

Loin d’être motivée par un esprit charitable, cette élite de l’économie numérique cherche plutôt à nous maintenir dans des vies de consommateurs passifs qui ne remettraient pas en question le système optimal d’extraction de la valeur et de concentration de la richesse dont cette élite est la plus grande bénéficiaire.

Comme solution de rechange au revenu de base, nous devons plutôt défendre les gratuités existantes et constamment étendre le « droit à la gratuité des biens et services essentiels » (Internet haute vitesse, éducation universitaire, services bancaires, soins dentaires, énergies renouvelables, transports collectifs, etc.) afin de jeter les bases d’une « économie de luxe entièrement automatisée ».

Bref, les voix progressistes doivent faire preuve d’avant-gardisme en luttant pour les droits émergents qui nous permettront de mieux maîtriser chez nous l’accélération robotique et la révolution de l’IA.

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