Place Émilie-Gamelin, échec patent de nos politiques sociales

« Partout où ils sont nombreux, les personnes en situation d’itinérance sont perçues, à tort, comme un problème », déplore l’autrice.
Jacques Nadeau archives Le Devoir « Partout où ils sont nombreux, les personnes en situation d’itinérance sont perçues, à tort, comme un problème », déplore l’autrice.

Les divers commerces de la rue Sainte-Catherine, à la sortie du métro Berri-UQAM, semblent souffrir depuis déjà quelques années. En 2020, durant la pandémie, la fermeture du bar L’Escalier, situé juste à la sortie du métro, nous avait énormément touchés. Le contexte était toutefois différent de celui d’aujourd’hui.

La toute récente annonce de la fermeture du magasin Archambault revêt, quant à elle, des allures plus dérangeantes dans sa justification. Dans un communiqué, Archambault évoquait : « Une analyse interne approfondie a révélé que l’évolution du tissu urbain dans le secteur de la place Émilie-Gamelin, conjuguée à l’évolution des habitudes des consommateurs, ne permet plus de rentabiliser l’exploitation commerciale du Archambault Berri, en dépit d’investissements importants réalisés au cours des dernières années. »

Bien qu’il soit clair que le « tissu urbain » ait changé dans le secteur, le fait de sous-entendre que ce changement agit comme un frein à l’économie du quartier pose de sérieuses questions quant à la manière dont nous percevons les personnes en situation d’itinérance. En ce sens, la fermeture d’un commerce, aussi symbolique soit-il, ne doit pas nous faire oublier les réels enjeux au coeur de cet événement : l’inefficacité de nos politiques de lutte contre la pauvreté. Plus précisément, nous pensons que ce qu’il se passe à la place Émilie-Gamelin n’est que la mise en exergue de l’échec de nos politiques sociales en matière d’itinérance et de logement ; toutes deux liées.

Partout où elles sont nombreuses, les personnes en situation d’itinérance sont perçues, à tort, comme un problème. Se joue alors l’éternel jeu de la délocalisation et de la relocalisation. Le démantèlement d’un campement force l’émergence d’un autre, la fermeture d’un refuge temporairement établi impose le retour à la rue de dizaines de personnes ; et la roue tourne.

Montrer du doigt les populations en situation d’itinérance qui se sont installées dans le secteur de la place Émilie-Gamelin et suggérer l’ajout de plus de policiers pour aider à la « cohabitation », comme l’a fait le Partenariat du Quartier des spectacles, est une stratégie plus que douteuse qui vise, encore une fois, à réguler les personnes précarisées pour permettre le confort d’une certaine classe de marchands et de consommateurs. Cette stratégie se trompe de cible, et il est impératif de ne pas laisser les prétentions de quelques investisseurs dicter l’orientation de nos politiques sociales.

Des solutions

Évidemment, loin de nous l’idée de prétendre qu’il est facile de régler ces questions. Toutefois, nous croyons qu’il existe des solutions. Nous avançons que la meilleure manière de remédier à cette situation demeure, à moyen terme, un investissement massif en logements sociaux et accessibles pour desservir les populations itinérantes de la métropole ainsi que des ressources de qualité en prévention de la toxicomanie et en santé psychologique.

À plus long terme, une réflexion s’imposera quant à l’importance de reconnaître le droit au logement comme étant fondamental à la vie et à la dignité de nos concitoyens. Cette question du logement est trop importante pour être presque uniquement reléguée à la sphère privée et elle est centrale à l’avènement d’une société plus juste.

En somme, le fait que des investisseurs rejettent, même à demi-mot, la responsabilité des difficultés commerciales d’un quartier sur les populations itinérantes est inapproprié ; mais au-delà de cette réalité, le refus des autorités publiques d’en faire assez pour aider ces populations témoigne de la sous-considération que nos gouvernements leur témoignent.

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