À quand une force d’intervention intergouvernementale dans le Village?

« Il faut de nouvelles solutions aux locaux vacants et des interventions temporaires immédiates avant les travaux sur la rue », observe l’auteur.
Photo: Marie-France Coallier Le Devoir « Il faut de nouvelles solutions aux locaux vacants et des interventions temporaires immédiates avant les travaux sur la rue », observe l’auteur.

L’annonce de la fermeture du magasin Archambault de la rue Berri, même s’il ne s’agit pas d’un commerce à proprement LGBTQ, est vécue comme une autre épreuve qui s’abat sur le Village. Citoyens, commerçants et groupes communautaires sont à bout de ressources et se font dire depuis des mois par les institutions publiques qu’elles ne peuvent rien faire pour endiguer les enjeux de cohabitation actuels qui font leur quotidien. Avec les divers travaux et constructions qui s’en viennent dans le secteur, faudra-t-il se résigner à attendre encore plusieurs années avant que reviennent vitalité et sentiment de sécurité dans le quartier ? Cette perspective n’est pas que déprimante, elle est inacceptable !

Sur les médias sociaux, plusieurs blâment personnellement Valérie Plante pour la dégradation du secteur, l’accusant de ne pas aimer le Village et de n’y aller que pour des opérations photo. C’est faire d’elle un bouc émissaire bien facile pour des tendances déjà présentes avant même son arrivée au pouvoir.

Sur les questions d’achalandage, l’ancien président de la Société de développement commercial (SDC) du Village disait déjà en 2014, lors d’une causerie sur l’avenir du Village pour le 30e anniversaire du magazine LGBTQ Fugues, que même le quartier gai de New York n’arrivait plus à remplir ses bars sept jours par semaine, comme au temps de la décennie précédente. L’ethnographie commandée en 2019 par la SDC confirmait également ce besoin de repenser l’économie du coin.

Même les tensions avec les itinérants dans le quartier ne datent pas de l’ouverture d’un refuge d’urgence financé par Québec et la Ville de Montréal dans l’hôtel de la Place Dupuis à l’hiver 2020. En 2012, les commerçants s’étaient mobilisés sous la campagne « j’aime mon Village ! » tandis qu’en 2014, les Carrés roses et le Pink Block avaient tous deux fait la promotion de leur vision divergente de la sécurité lors de deux marches simultanées.

Face aux incivilités et aux vols qui augmentent à la vue de tous, face aux locaux laissés vacants par les propriétaires (et ayant causé des incendies et des effondrements dans les dernières années), plusieurs en appellent à davantage de répression policière. Pourtant, Montréal est déjà une des villes canadiennes avec le plus haut taux de policier par habitant, et les forces policières elles-mêmes avouent les limites de leurs interventions face à la misère humaine.

Avec un budget toujours plus grand, pourquoi la police « échoue »-t-elle alors à nous protéger ? Parce qu’on attend d’elle qu’elle joue seule au superhéros là où il faut une multitude de mesures pour penser la sécurité, de l’animation de rue à l’aménagement du territoire, en passant par la prévention, de nouvelles politiques contre la spéculation immobilière et un filet social fort où tous les acteurs sont amenés à jouer un rôle.

Les citoyens, les commerçants et les organismes ont allumé le « bat-signal » d’alarme dans le ciel depuis déjà trop longtemps.

Réunir les intervenants

Où sont le CIUSSS Centre-Sud et le ministère de la Santé, qui ont la responsabilité des questions d’itinérance et de santé mentale ? Où sont les réseaux communautaires pour proposer des projets-pilotes novateurs ? Où sont les gouvernements provincial et fédéral pour fournir du logement social dans les nouveaux ensembles résidentiels et garder la population LGBTQ dans le quartier ?

Où est Tourisme Montréal pour aider à repenser collectivement les stratégies de promotion du quartier ? Où sont les acteurs du développement économique de Montréal ? Où sont les urbanistes, les chercheurs, les économistes, les acteurs culturels et les festivals pourtant abondants sur le territoire ?

Mais surtout, où sont les propriétaires et les promoteurs immobiliers, qui laissent leurs locaux à l’abandon se détériorer sans permettre aux communautés de les revitaliser ?

Certes, on doit exiger de la Ville un plus grand leadership. Il ne s’agit pas seulement de penser le réaménagement de l’artère Sainte-Catherine Est, même si celle-ci en a bien besoin. Il faut de nouvelles solutions aux locaux vacants et des interventions temporaires immédiates avant les travaux sur la rue. Mais à la question « où est Valérie Plante ? », il faut aussi ajouter : où sont Legault, Fitzgibbon, Duranceau, Dubé et Carmant ? Où sont Trudeau, Bennett, Duclos et Hussen ? La Ville devrait prendre la responsabilité de mettre sur pied une « super task force », un comité de concertation dans divers champs de compétence, et s’assurer que les différents ordres de gouvernement répondent à l’appel pour l’épauler.

Soyons réalistes : une seule superhéroïne ne nous sauvera pas, il faut réunir les intervenants maintenant, car on sait que ça prend un Village…

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