Mourir au Québec, c’est souffrir

La terrible histoire d’Andrée Simard, veuve de l’ex-premier ministre Robert Bourassa, morte dans la douleur et la détresse, témoigne du manque d’accès à des soins palliatifs médicaux. Les petites équipes palliatives en place ne suffisent plus à aider tous les malades en fin de vie qui souffrent.
Présentement, 5 % des Québécois choisissent l’aide médicale à mourir, le taux le plus élevé en Occident. Les 95 % restants méritent eux aussi de ne pas souffrir : il est temps de prendre soin d’eux humainement, de soulager leurs souffrances où qu’ils soient : à l’hôpital, mais aussi à domicile.
On sait que la grande majorité des malades en fin de vie sont soulagés lorsqu’ils ont accès à des soins palliatifs expérimentés. De plus, l’administration d’une sédation palliative, ce dont Mme Simard avait possiblement besoin, est un soin complexe qui exige un travail d’équipe avec une expertise médicale et infirmière spécialisée.
Malheureusement, depuis quatre ans, les milieux de soins palliatifs se battent pour avoir suffisamment de postes de médecins et d’infirmières experts en soins palliatifs, souvent en vain. Alors que la population québécoise vieillit très vite et que le nombre de patients en fin de vie augmente de façon exponentielle, ces milieux se battent avec les fonctionnaires à Québec pour avoir le droit de recruter les professionnels requis.
Pire encore, les étudiants en médecine qui se spécialisent en soins palliatifs doivent se battre pour obtenir un poste à temps plein dans leur domaine, alors que les besoins sont immenses partout ; à domicile, dans les hôpitaux et dans les unités de soins palliatifs. Quel gaspillage d’expertise !
Une priorité
Si les effectifs médicaux et infirmiers en soins palliatifs dans nos hôpitaux étaient suffisants et proportionnels aux besoins de tous les patients souffrants, ces professionnels pourraient non seulement assurer les urgences palliatives dans leur unité dédiée, mais aussi celles des malades des autres unités hospitalières. Permettre à tous les Québécois de mourir dignement et sans souffrance devrait être une priorité, comme stipulé dans la Loi québécoise concernant les soins de fin de vie. Pourtant, à peine 10 % des patients en fin de vie à domicile au Québec ont accès à des équipes de médecins experts en soins palliatifs accessibles en tout temps.
La fin tragique d’Andrée Simard révèle un drame répandu au Québec : de nombreux Québécois n’ont pas accès à des soins médicaux et infirmiers palliatifs experts 24 heures sur 24. Devant ces pénuries, à domicile surtout, le silence du Collège des médecins surprend, lui qui dénonce publiquement les très rares équipes palliatives qui n’offrent pas encore l’aide médicale à mourir.
Nos décideurs ont fait de l’aide médicale à mourir leur priorité, avec succès. Pourquoi ne font-ils pas la même chose pour les autres patients ? Il est temps de cesser de dénigrer les soins palliatifs médicaux. Cessons de dire que les soins palliatifs « sont simples », « sans besoin de médecins » ou que « n’importe quel médecin sans expérience peut offrir ces soins ». Cessons de dire qu’il « n’y a pas de nécessité de mettre en place des équipes médicales expertes 24 heures » alors que nos urgences débordent de ces patients.
On juge une société à la façon dont elle traite ses mourants : nous pouvons faire beaucoup mieux collectivement.