Jean-Robert Sansfaçon, journaliste

« De la tribune éditoriale, Jean-Robert Sansfaçon a pu défendre sa vision du développement de la société québécoise et les valeurs profondes qui l’animaient sur les plans du progrès et de la justice sociale », écrit l'auteur.
Photo: Jacques Grenier archives Le Devoir « De la tribune éditoriale, Jean-Robert Sansfaçon a pu défendre sa vision du développement de la société québécoise et les valeurs profondes qui l’animaient sur les plans du progrès et de la justice sociale », écrit l'auteur.

Jean-Robert Sansfaçon a enseigné, a écrit des romans, a participé à la mise sur pied de nouvelles organisations, comme l’Office franco-québécois pour la jeunesse. Mais il a surtout été journaliste. C’est le principal fil conducteur de sa vie sur le plan professionnel.

Le journalisme, il y mit pied d’abord au journal étudiant du collège Lionel-Groulx, Le Thérésien. C’est là que nous nous sommes connus au cours des années 1960. Nous y faisions du journalisme presque à temps plein, publiant une édition hebdomadaire d’un journal qui se voulait engagé.

Le monde de l’éducation était alors effervescent. C’est de Lionel-Groulx que s’amorça en 1968 un vaste mouvement de revendication pour la gratuité scolaire, qui essaima à travers tout le Québec, par l’occupation des cégeps.

Ces années furent celles de tous les possibles. Portés par la Révolution tranquille et les grands mouvements sociaux, nous pensions et voulions avoir un rôle à jouer dans la transformation d’un monde alors en ébullition.

Comme quelques autres, Jean-Robert préférait s’investir dans le journalisme plutôt que dans le militantisme. Le rôle d’observateur et de critique des changements qui s’opéraient lui convenait davantage.

Sa vision, son ambition pourrait-on aussi dire, il l’exprima dans un éditorial paru dans Le Thérésien en avril 1968. « L’information et l’engagement, écrivait-il, sont les deux items qui peuvent permettre la liberté de l’homme. »

On retrouve là l’essentiel des valeurs qui l’animeront dans sa carrière : l’information comme outil de sensibilisation des citoyens ; son engagement envers la transformation de la société ; la recherche d’un progrès social et de l’égalité.

Il voudra à la fin des années 1970 sortir le journalisme des sentiers battus, donner accès à la parole à des courants forcés à la marginalité par les médias traditionnels. Avec quelques autres « fous », il sera de l’aventure de la revue Le Temps fou, qui sera un laboratoire vivant d’une information libre. L’expérience durera presque six ans.

Après cette aventure, tout en continuant son enseignement au cégep de Saint-Jérôme, Jean-Robert collaborera à des magazines économiques, dont Le Devoir économique, et signera dans les pages du journal une chronique hebdomadaire sur la vie urbaine.

L’invitation à se joindre à l’équipe éditoriale du journal en 1993 le forcera à mettre fin à sa carrière d’enseignant. Lorsque je serai nommé directeur, je l’inviterai tout naturellement à devenir rédacteur en chef du journal, poste qu’il occupera jusqu’en 2009.

Être rédacteur en chef, c’est, dit-on souvent, être le chef d’orchestre. Le titulaire de cette fonction anime la salle de rédaction, l’oriente, la mobilise pour produire le journal qui chaque jour est proposé aux lecteurs. Le défi est quotidien.

Une salle de rédaction n’est jamais facile à mener. Il s’y trouve beaucoup de talents qu’il faut savoir canaliser. La forme de leadership de Jean-Robert, faite de patience, d’écoute, de sensibilité, fit en sorte qu’il put, avec les ressources réduites du Devoir, poursuivre la transformation de ce journal et l’enrichir de nouvelles chroniques et de nouveaux cahiers.

Les lecteurs auront connu Jean-Robert surtout à travers ses éditoriaux. De la tribune éditoriale, il put défendre sa vision du développement de la société québécoise et les valeurs profondes qui l’animaient sur les plans du progrès et de la justice sociale. De sa profession d’enseignant en économie, il avait gardé le souci de faire comprendre ce qui se trouve derrière les grands enjeux sociaux et économiques.

L’éditorialiste pédagogue qu’il était souvent savait néanmoins mordre. Selon le précepte légué par le fondateur du journal, il ne manquait jamais de « dénoncer le coquin », où qu’il se trouve. Aussi bien à gauche qu’à droite, à l’hôtel de ville comme dans les parlements, dans les syndicats comme dans les conseils d’administration. Il n’aimait pas voir des privilégiés s’approprier le bien commun.

Que dire de ces 30 années que Jean-Robert a consacrées au Devoir, sinon que, selon la formule consacrée, il a fait ce que doit. Et qu’il l’a bien fait.

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