Simplement des femmes… vraiment?

Lors de la commémoration de l’assassinat de 14 femmes, le 6 décembre, le leitmotiv qui revenait souvent sur la place publique était qu’elles ont été victimes du tueur simplement « parce qu’elles étaient des femmes ».
Une dimension oubliée, mais essentielle à garder à l’esprit, est qu’elles ont été tuées sur les lieux de leurs études universitaires, à Polytechnique Montréal, une institution qui prépare à une profession encore aujourd’hui à grande prédominance masculine. Treize parmi les quatorze victimes avaient transgressé un tabou, à savoir que les femmes ont leur place ailleurs, et pas seulement comme enseignantes, infirmières ou adjointes administratives.
Bien sûr, ce geste criminel s’inscrit dans la trop vaste constellation des violences faites aux femmes. Cependant, pour lutter efficacement contre ces violences, il importe de les distinguer les unes des autres. La tuerie de Polytechnique n’est pas simplement due au fait que ce sont des femmes. Un élément central manque à ce constat : elles étaient des femmes qui tentaient de pénétrer dans un monde d’hommes et qui, du fait même, dans l’esprit du tueur qui peinait à entrer à Polytechnique, prenaient une place qui ne leur revenait pas, une place réservée aux hommes.
Il est donc temps de reconnaître qu’aujourd’hui encore cette répartition inégalitaire entre les femmes et les hommes sur le marché du travail se perpétue : sur les chantiers de construction, dans les forces armées, les domaines des sciences et technologies, les équipes de direction et les conseils d’administration de grandes entreprises, les ministères influents et prestigieux, et l’on pourrait continuer longtemps à lister les fonctions auxquelles il leur est, encore de nos jours, difficile d’accéder.
Malheureusement, des barrières parfois explicites mais aussi souvent subtiles empêchent les femmes d’occuper ces emplois à forte prédominance masculine. Il est important d’en prendre conscience à l’occasion de la commémoration du massacre de Polytechnique et d’éliminer par tous les moyens ce mur de béton construit sur des stéréotypes et des préjugés qui excluent encore trop souvent les femmes et privent la société de leur contribution.
Finalement, elles étaient des femmes qui avaient simplement eu le courage de suivre leur passion et de pénétrer dans un monde qu’on avait jugé ne pas leur appartenir.