Superministre et ministre junior, une fausse bonne idée

Sans sombrer dans la conjoncture du moment ni analyser les personnalités politiques de 2022, quelques considérations s’imposent. François Legault connaît très bien ses députés ministrables et c’est lui seul qui décide de la composition de son Conseil des ministres. Penchons-nous plutôt sur la structure ministérielle d’un gouvernement.
Les sous-ministres en titre et présidents des sociétés d’État connaissent la musique. Ils sont familiers avec tous les registres et partitions, des tambours et trompettes jusqu’aux solos de flûte traversière. Administrativement, ils sont les chefs de leur orchestre. Le ministre, à titre de chef invité, ajoute à l’interprétation quelques trémolos et sourdines. Mais l’oeuvre demeure.
Le choix des ministres semble être un exercice fastidieux. Je ne l’ai jamais fait, mais je l’ai vécu en deux occasions. Répondre oui est un honneur facile (je l’ai fait en novembre 1994), refuser est une tout autre histoire (rebelote en janvier 1996). Si la composition d’un Conseil des ministres est si complexe, c’est qu’il faut, en un temps relativement court, changer ou confirmer l’exécutif d’une très grande entreprise : un gouvernement. Au privé, tout cela se fait graduellement, on prépare la relève. Pour un gouvernement, accomplir cette tâche en deux ou trois semaines relève du défi.
Alors, pourquoi le complexifier ? Une chose est certaine, le patron est, et sera, François Legault. Pourquoi faudrait-il tenter pour une xième fois une structure avec des gros, des grands, des superministres, et des ministres juniors ? Ces derniers seront toujours en attente de la signature d’un autre avant de pouvoir faire quoi que ce soit.
D’ailleurs, la fonction publique a toujours eu horreur des doubles cabinets ministériels. Qui décide quoi ? Est-ce assez important pour en saisir le « vrai » ministre ou faut-il passer par le dédale politique du ministre subalterne ? La chose n’est pas plus facile pour les parties prenantes et la population en général. On imagine aisément qu’une présidente d’entreprise ou un dirigeant d’organisme, par exemple une chambre de commerce, préféreront s’adresser directement au « grand » ministre. Les reléguer au ministre délégué serait synonyme de « votre dossier est bon, mais pas assez pour le “gros” ministre ».
Lors de l’annonce d’une décision gouvernementale, il est usuel que le premier ministre et son ministre d’État soient au lutrin… le délégué se confondant avec le rideau. En revanche, pour les refus de dossiers, ce sera au ministre junior de s’en occuper.
Bref, outre le fait que cela fait plaisir et que, pour certains, avoir un chauffeur et une voiture de fonction est valorisant, la formation d’un gouvernement avec plusieurs niveaux ministériels demeure une fausse bonne idée. Pour s’en convaincre, François Legault devrait se souvenir de ses expériences de ministre délégué en 1998, et de super ministre à l’Éducation puis à la Santé de 1999 à 2003. Bonne réflexion, Monsieur le Premier Ministre !