Protéger la santé de la population par une planification intégrée

«La Ville de Montréal devrait collaborer dès maintenant avec la Direction régionale de santé publique afin d’entamer une démarche d’EIS pour le secteur Assomption-Sud–Longue-Pointe», estiment les auteurs.
Photo: Jacques Nadeau Archives Le Devoir «La Ville de Montréal devrait collaborer dès maintenant avec la Direction régionale de santé publique afin d’entamer une démarche d’EIS pour le secteur Assomption-Sud–Longue-Pointe», estiment les auteurs.

Le développement du secteur Assomption-Sud-Longue-Pointe, dans le quartier Mercier–Hochelaga-Maisonneuve à Montréal, a fait couler beaucoup d’encre dans les dernières années et occupe encore régulièrement l’actualité. Plusieurs projets d’envergure sont actuellement sur la table et certains ont déjà débuté. Pourtant, il subsiste encore de nombreux inconnus quant à l’allure que prendra le secteur dans les prochaines années. Il est donc tout à fait légitime que les citoyens se questionnent sur les impacts qu’auront ces projets sur la qualité de leur milieu de vie.

Le quartier Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, l’un des plus populeux de la ville de Montréal, est déjà aux prises avec diverses problématiques, notamment sur les plans de la santé et de la qualité de vie, de la précarité financière pour plusieurs et du déficit historique en espaces verts. Le développement industriel prévu dans ce secteur ne doit pas venir exacerber la situation.

L’accès limité à la nature, le faible indice de canopée, les îlots de chaleur et les niveaux de bruits élevés sont des éléments qui font partie intégrante de la réalité des citoyens du secteur et qui contribuent, par le fait même, à la vulnérabilité des populations. D’ailleurs, il est estimé que l’espérance de vie des résidents de certains quartiers de l’est de Montréal peut être jusqu’à neuf ans inférieure à celle des résidents de l’ouest de l’île. C’est une épée de Damoclès qui pèse sur les populations de ce secteur caractérisé par sa mixité sociale, et ce sont les personnes les plus vulnérables qui en paieront le prix le plus fort.

Les impacts environnementaux, sanitaires et les nuisances anticipées pour ces projets sont nombreux : pollution visuelle et atmosphérique, déboisement et imperméabilisation des sols, bruits et vibrations, vermines, pour n’en nommer que quelques-uns. Les conséquences de telles perturbations sur la santé publique sont connues et largement documentées. Selon la nature et l’intensité de ces dernières, leurs conséquences peuvent inclure, par exemple, des troubles du sommeil, l’augmentation des risques de maladies cardiovasculaires et respiratoires, d’hypertension artérielle, des enjeux de santé mentale, des décès, en plus de mener graduellement à une dévitalisation des secteurs résidentiels avoisinants.

Pourtant, il existe une démarche structurée qui permet de documenter et d’anticiper les risques pour la santé associés aux projets et initiatives qui influencent l’aménagement du territoire : l’évaluation d’impact sur la santé (EIS).

Cette approche, préconisée par la Politique gouvernementale de prévention en santé et reconnue par la Loi sur la santé publique, permettrait à la Ville de Montréal de planifier et d’aménager ce secteur tout en prenant en considération les effets cumulés des multiples projets sur la santé et le bien-être de ses résidents. L’aménagement du territoire étant l’un des déterminants qui influencent l’état de santé de la population, les décisions prises par la Ville à ce sujet sont cruciales pour la création et le maintien de milieux de vie sains et sécuritaires.

L’EIS permet d’avoir une vision d’ensemble des impacts des projets sur la santé, tant physique que mentale, de trouver des solutions concrètes basées sur la science afin de maximiser les retombées positives des projets pour la population, et surtout d’éviter, d’atténuer ou de compenser les impacts négatifs anticipés sur l’ensemble des déterminants de la santé. L’EIS permet ainsi de contrecarrer l’accroissement des inégalités sociales que ces projets pourraient engendrer. Enfin, cette démarche favorise la participation de la communauté locale au processus de décision, une implication essentielle considérant les enjeux d’acceptabilité sociale rencontrés jusqu’à maintenant.

La résilience équitable face à la crise climatique doit se trouver au coeur de la planification territoriale, il s’agit là d’un enjeu de justice environnementale. C’est pourquoi la Ville de Montréal devrait collaborer dès maintenant avec la Direction régionale de santé publique afin d’entamer une démarche d’EIS pour le secteur Assomption-Sud–Longue-Pointe.



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