L’électrification des transports terrestres, bien plus que des automobiles !

Propulsion Québec, la grappe des transports électriques et intelligents (TEI), souhaite répondre à la chronique publiée le 27 juin 2022 dans l’édition du Devoir par Jean-François Nadeau, intitulée « Le rêve électrique ».
Dans sa chronique, M. Nadeau affirme : « Dans ce pauvre horizon collectif, le récit fabulé du verdissement de nos déplacements grâce à la consommation effrénée de véhicules électriques ne tient pas la route. » Pourtant, les chiffres clés de l’industrie des TEI au Québec sont des arguments factuels : 260 organisations, 3,3 milliards de dollars de chiffre d’affaires et 9300 emplois en 2021, un poids économique qui n’a pas été pris en compte.
L’électrification des transports n’est pas limitée aux voitures individuelles. Il est primordial de prendre en considération tous les types de véhicules. À titre d’exemple, les véhicules moyens et lourds représentent 25 % du parc de véhicules, mais contribuent à 66 % des émissions de GES au Québec.
Les voitures individuelles électriques ne peuvent pas à elles seules permettre d’atteindre nos objectifs de réduction de GES. Cependant, avec un secteur des transports qui représente à lui seul 43,3 % des émissions québécoises, nous ne pouvons pas non plus les soustraire de l’équation.
La transition électrique serait un apport positif pour la balance commerciale québécoise : en 2019, l’importation de pétrole représentait 48 % de son déficit. A contrario, les profits d’Hydro-Québec, y compris les recharges des véhicules électriques, sont redistribués au gouvernement québécois pour le développement de services d’État. Une boucle vertueuse !
C’est pour ces raisons que l’écosystème québécois des transports électriques et intelligents (TEI) se mobilise pour électrifier l’ensemble des véhicules en circulation sur nos routes et offrir de nouvelles solutions de mobilité.
Dans son dernier rapport publié le 4 avril 2022, le GIEC affirme que les véhicules électriques « offrent le potentiel de décarbonation le plus important dans le transport routier à condition d’être rechargés par de l’électricité bas carbone », ce qui est le cas au Québec.
Nous rejoignons M. Nadeau sur la nécessité de repenser notre consommation de la mobilité, notamment l’accès à des transports collectifs et publics, peu importe notre lieu de vie. Cependant, il nous semble essentiel de mettre la lumière sur l’optimisation possible grâce aux véhicules et infrastructures intelligents et l’utilisation optimale des données en transports. Ils permettront de simplifier les déplacements, d’encourager l’utilisation des transports en commun et de limiter l’usage de l’auto solo.
Enfin, nous souhaitons souligner que notre territoire présente un sol riche en gisements de minéraux stratégiques nécessaires à la production de batteries et que le Québec déploie beaucoup d’efforts pour produire ses batteries localement dans un avenir rapproché, selon les normes environnementales et sociales parmi les plus rigoureuses au monde.
Au Québec, nous sommes des centaines à nous mobiliser pour que la production des batteries soit suivie au fil des différentes étapes de transformation, de la mine au véhicule électrique, afin d’en garantir la provenance et les caractéristiques. Un projet pilote est d’ailleurs en cours et propose un système de traçabilité qui permet, tout au long de la chaîne de production, de vérifier le respect des normes environnementales et sociales en vigueur. Il permet aussi de contrôler la qualité du produit, d’en optimiser la production et de gérer son empreinte carbone.
Certains acteurs de l’écosystème des TEI, proposent déjà des solutions pour la réutilisation des batteries et leur recyclage afin d’optimiser l’utilisation de leurs composantes.
La transition électrique est en marche, et la consommation du transport concerne tous les Québécois et les Québécoises : individus, entreprises, municipalités, gouvernements, institutions. Tous peuvent compter sur un écosystème innovant de 260 acteurs à la fine pointe de la technologie pour les accompagner et décarboniser le transport terrestre québécois. Tirer sur l’électrification des transports, c’est selon nous se tromper de cible.
La réplique de Jean-François Nadeau
Que penser de l’idée selon laquelle la solution aux innombrables problèmes causés par l’automobile depuis un siècle tiendrait au remplacement de leur seul mode de propulsion ? Électrification ou pas, le nombre total de véhicules individuels et les nuisances qui en résultent ne cessent d’augmenter à la vitesse grand V. Les ventes de gros véhicules, les SUV, ne se sont jamais si bien portées. Des véhicules électriques individuels, souvent tout aussi gros, commencent à les remplacer sans que rien de la situation globale s’en trouve changé. La consommation effrénée des foyers a-t-elle été freinée ?
En réalité, les véhicules électriques chics ne constituent qu’un élément de plus offert à l’appétit des consommateurs. C’est une ration supplémentaire pour nourrir la bonne conscience, comme l’aura été le fumeux « café équitable ». Car comment croire qu’à force de consommer tout autant, mais à peine différemment, nous sauverons la planète de la dérive qui l’avale ? Déjà, l’idée selon laquelle ces véhicules individuels électriques, produits en série, produiraient « zéro émission » relève de la pure fumisterie. Il faudrait en tout cas 7,7 millions de ces véhicules électriques sur les routes canadiennes en 2030 si Ottawa veut atteindre ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports. En décembre 2020, on en comptait à peine plus de 200 000, rappelait cette semaine mon collègue Gérard Bérubé.
Croyez-vous vraiment changer le monde en produisant, en vendant et en subventionnant de plus en plus de voitures individuelles ? Nous coulons au milieu d’un rêve : celui de parvenir, malgré des changements de fond qui s’imposent, à ne rien changer fondamentalement. Et nous nous faisons croire, en un si triste chemin, que les automobiles et les infrastructures pourraient être « intelligents », alors que nous sommes collectivement toujours aussi bêtes.