Il reste encore du chemin à faire pour éliminer la transphobie

L’adoption du projet de loi 2 représente une victoire manifeste des communautés trans et non binaires pour la reconnaissance de leurs droits fondamentaux. Toutefois, il reste encore énormément de chemin à parcourir pour faire du Québec une province véritablement inclusive, affirmative et sécuritaire. Le prochain plan national de lutte contre l’homophobie et la transphobie doit en tenir compte.
Le 17 juin dernier, la réforme de l’état civil adoptée par l’Assemblée nationale est entrée en vigueur. Dans sa première version, cette réforme représentait un recul dangereux pour les droits des personnes trans et non binaires. Aujourd’hui, grâce aux efforts des groupes 2SLGBTQIA+, ce recul s’est transformé en avancée. Non seulement les personnes non binaires ont aujourd’hui accès à une reconnaissance légale de leur identité de genre, mais les frais pour l’accès au changement de la mention du sexe sont également exonérés pour toute personne lors d’une première demande. Pour des communautés dont le revenu médian est en dessous du seuil de la pauvreté, il s’agit d’une avancée historique.
Mais après cette victoire, d’autres combats subsistent. Il pourrait effectivement être tentant de s’asseoir sur les lauriers de cette victoire politique. Toutefois, la réalité est qu’il reste encore énormément de travail à faire. Le Québec a fait un pas, et il doit maintenant terminer le marathon.
Processus de transition adaptés
Pouvoir changer son nom à l’état civil gratuitement, c’est essentiel. Par contre, une transition, ça peut être beaucoup plus que ça. Prenons un moment pour parler de transition médicale.
Avoir accès à des soins d’affirmation de genre au Québec, ce n’est pas facile. Peu de médecins de famille acceptent de prescrire l’hormonothérapie à leur patientèle trans (alors qu’ils en ont le droit et la capacité), et plusieurs demandent l’avis d’un professionnel en santé mentale, psychologue, psychiatre, sexologue, travailleur social et travailleuse sociale, pour rédiger une référence. Ensuite, deux options sont disponibles : attendre six, voire huit ou même dix mois pour espérer voir un endocrinologue dans le réseau public, ou payer pour avoir accès plus rapidement au réseau privé.
Je ne parle même pas des chirurgies, où les listes sont encore plus longues, où les critères encore plus rigides et, dans plusieurs cas, où les coûts sont astronomiques. Pour beaucoup, accéder à des soins d’affirmation de genre est un luxe inaccessible, les barrières financières étant infranchissables. Pourtant, le respect de l’identité de genre est un droit reconnu par la Charte québécoise, et même par la Constitution. Dites-moi, le respect des droits fondamentaux devrait-il être tributaire à la capacité financière d’un individu de s’en prévaloir ?
Des communautés en sécurité
Les crimes haineux perpétrés à l’encontre de personnes trans sont en augmentation massive depuis 2017 au Canada. Pourtant, depuis 2015, on voit une amélioration graduelle des droits des personnes trans, partout au pays. Alors, qu’est-ce qui explique cette réalité ?
Si les personnes trans ont obtenu beaucoup plus de visibilité dans les dernières années, cette visibilité n’a pas été accompagnée d’un effort suffisant en sensibilisation, en démystification et en éducation. Le Plan national de lutte contre l’homophobie et la transphobie 2017-2022 semble avoir oublié l’importance de l’éducation populaire dans la réduction de la transphobie dans la population. En effet, l’incompréhension et la peur de la différence font partie des sources principales de transphobie, et peuvent mener à des crimes haineux.
Cela ne constitue que quelques-uns des enjeux auxquels font face les communautés trans et non binaires encore aujourd’hui. On ne peut donc pas se permettre de se reposer, il faut continuer à avancer.
Lorsqu’il présentera son Plan 2022-2027, le ministre Jolin-Barrette devra prendre ses responsabilités. Le ministre ne peut rester passif à la suite de sa réforme de l’état civil, il doit nous présenter un plan qui va plus loin. Un plan qui prend en considération les problèmes réels des personnes trans et non binaires. Un plan qui ne fait pas que mettre un pansement sur les problèmes, mais qui cherche à régler les sources de la transphobie. Et surtout, un plan construit pour les communautés et, surtout, avec les communautés.
Monsieur le Ministre, vous avez fait un premier pas. Êtes-vous prêt à parcourir ce marathon avec moi ?