L’éthique de la pédagogie au secours de la liberté universitaire

«L’éthique de la pédagogie est basée sur le respect dévolu à la dignité de la personne», écrit l'auteur.
Photo: Christopher Futcher Getty Images «L’éthique de la pédagogie est basée sur le respect dévolu à la dignité de la personne», écrit l'auteur.

Le mercredi 6 avril dernier, la ministre de l’Enseignement supérieur, Danielle McCann, a déposé le projet de loi 32 qui obligera les universités québécoises à se doter d’une politique de liberté de l’enseignement. Ce projet, qui fait actuellement l’objet de commentaires en commission parlementaire, fait suite aux recommandations de la Commission scientifique et technique indépendante sur la reconnaissance de la liberté académique dans le milieu universitaire sous la présidence d’Alexandre Cloutier. Cet hiver, j’ai donné à l’UQO une conférence intitulée « Cancel Culture et Liberté de l’enseignement », dans laquelle j’ai proposé une éthique de la pédagogie pour l’orientation et l’application d’une politique de la liberté de l’enseignement. Mon argumentaire est le suivant.

Au cours des deux dernières années, le Québec a connu une controverse autour de la culture de l’annulation et de la liberté d’expression de l’enseignement universitaire. Deux postures s’opposent. La première est celle des étudiants ou autres personnes qui interdisent l’usage de mots dans les cours, par suite d’une « conscience des injustices sociales présentes ou passées » et des chefs d’établissement qui sont portés à acquiescer à cette interdiction. La seconde position est celle des universitaires et autres qui, légitimement, dénoncent la censure et défendent la liberté académique.

Un constat s’impose. S’il y a eu débat, il s’est généralement déroulé dans un contexte de polarisation. À tort ou à raison, chaque camp refaisait l’histoire en diminuant ou en amplifiant les effets mis en cause. L’un affirme son historicité. L’autre la renvoie à une « idéologie des universités américaines loin des valeurs de respect et de tolérances sur lesquelles se fondent nos démocraties », à « des idéologies et des méthodes directement importées de certains campus universitaires américains qui sont à mille lieues des valeurs de respect et de tolérance sur lesquelles se fondent nos démocraties », lisait-on dans Le Devoir le 22 octobre 2021 sous la plume de Jean-Michel Blanquer et de Jean-François Roberge, respectivement ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports de la France et ministre de l’Éducation du Québec.

Mais paradoxalement, c’est au nom des mêmes principes de la démocratie que les deux camps perçoivent différemment certains effets de l’histoire. Le débat ne peut donc être dépolarisé que par des échanges, un dialogue pour une compréhension commune du principe fondamental de liberté d’expression, de la liberté universitaire, de la liberté de l’enseignement. On doit prendre également en considération la perspective historique du renouvellement de la façon d’aborder et d’interpréter certains faits du passé et même du présent. Ce consensus pourrait se réaliser autour de ce que j’appelle l’« éthique de la pédagogie ».

L’éthique de la pédagogie est basée sur le respect dévolu à la dignité de la personne. Elle détermine les normes communes de régulation des demandes et des réponses entourant certaines questions. L’éthique de la pédagogie implique l’éducation des enseignants et des enseignés à l’histoire ainsi que leur éducation à certains aspects de la culture générale et spécifique, comme cela se fait aujourd’hui pour les questions de sécurité et de santé.

L’éthique de la pédagogie garantirait la liberté d’enseignement aux professeurs, et la liberté d’étudier aux étudiants dans un contexte de dialogue pédagogique. Chaque université pourra mettre sur pied un comité de l’éthique de l’enseignement qui définira les grands principes autant que des pratiques de l’éthique de la pédagogie.

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