Combien de Michael Rousseau dans le Québec de demain?

«Je ne cherche pas à culpabiliser les acteurs du réseau, mais force est de constater que très peu d’efforts sont déployés afin d’encourager et de promouvoir l’apprentissage du français dans la communauté scolaire anglophone», écrit l'autrice.
Photo: iStock «Je ne cherche pas à culpabiliser les acteurs du réseau, mais force est de constater que très peu d’efforts sont déployés afin d’encourager et de promouvoir l’apprentissage du français dans la communauté scolaire anglophone», écrit l'autrice.

Des anglophones frustrés songent à fonder un nouveau parti politique ralliant les électeurs anglophones qui s’opposent à la réforme du projet de loi 96 sur la langue française au postsecondaire, nous apprenaient les médias la semaine dernière.

Ce projet de loi a été amendé dernièrement par le Parti libéral du Québec afin de contraindre tous les étudiants collégiaux anglophones à suivre au moins trois cours en français pour obtenir leur diplôme.

Lors de l’étude détaillée du projet de loi 96, le 22 mars 2022, David Birnbaum, député libéral de D’Arcy-McGee, a indiqué que toutes les commissions scolaires anglophones vont « au-delà des exigences des régimes pédagogiques, le cursus prescrit, en tout ce qui a trait au français langue seconde ». Si telle est sa conviction, j’invite le député à visiter le cégep anglophone privé voisin de sa circonscription et à essayer de tenir une conversation en français avec les élèves le fréquentant. Sa surprise sera sûrement immense en constatant que la plupart en sont incapables.

Ayant moi-même fait des études collégiales dans un tel établissement anglophone, j’ai constaté au quotidien l’incapacité flagrante de nombreux de nos pairs, ainsi que de nos professeurs, à s’exprimer en français. Je ne cherche pas à culpabiliser les acteurs du réseau, mais force est de constater que très peu d’efforts sont déployés afin d’encourager et de promouvoir l’apprentissage du français dans la communauté scolaire anglophone.

Quel ne fut pas mon étonnement, donc, d’entendre les inquiétudes du président de la Fédération des cégeps, Bernard Tremblay, à l’annonce de cette potentielle obligation de suivre un minimum de trois cours en français au cégep. Il dit, le plus sérieusement du monde : « Cet amendement-là a un effet catastrophique et, de toute évidence, un effet discriminatoire. »

Il s’inquiète particulièrement des contrecoups de cette obligation : « Il y a des milliers d’étudiants qui seront dans l’incapacité d’être diplômés », ajoute-t-il.

En guise de justification, le président rappelle que plus de 35 % des quelque 29 000 étudiants inscrits dans les cégeps anglophones ont une connaissance trop faible du français pour suivre ces cours. Ironiquement, Dominique Anglade semble partager son point de vue, elle qui a annoncé mardi vouloir reculer par rapport à l’amendement qu’a fait adopter son propre parti. Il semblerait qu’une pression interne lui ait fait renier ses valeurs nationalistes.

Les exigences proposées par l’amendement ne sont pourtant pas très élevées.

Le fait que le tiers des cégépiens ne sont pas capables de suivre ces cours n’est-il pas la preuve manifeste qu’il est urgent d’imposer des mesures afin de corriger la situation ? J’inviterais M. Tremblay et Mme Anglade à se demander comment il est possible, en 2022, au Québec, d’obtenir un diplôme collégial sans avoir des compétences minimales en français.

Sans cette initiative, les carrières professionnelles de ces futurs finissants unilingues anglophones se dérouleront, bien évidemment, en anglais seulement et mineront à leur façon la place de la langue française au Québec, et plus particulièrement dans la métropole. Pourquoi ne pas se questionner sur le bien-fondé d’une telle mesure ?

Le président de la Fédération des cégeps est indigne de la haute responsabilité qui lui incombe : assurer la progression pédagogique des jeunes Québécois.

Nous en déduisons que le réseau collégial québécois préfère se rendre complice de la décroissance du français au Québec en refusant des engagements plus fermes en matière de promotion de notre langue à l’école. M. Tremblay et d’autres continuent de s’enfarger dans les fleurs du tapis plutôt que d’essayer de trouver des pistes de solution à ce problème sociétal.

En attendant encore des années avant de passer à l’action, comme le principal intéressé l’évoque, négligeons-nous, une fois de plus, une génération complète d’anglophones qui auraient pu s’exprimer habilement en français ?

Est-il si fou de rêver à un Québec où tous peuvent s’exprimer avec aisance dans la langue de Tremblay ?

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