La crise de nos institutions

La Commission-Jeunesse tient cette fin de semaine son 20e Congrès-Jeunes. Ce congrès revêt un caractère tout spécial pour moi puisqu'il s'agit de mon tout premier à titre de président de la C.-J. Comme le Congrès-Jeunes marque en quelque sorte la rentrée politique au Québec, je veux en profiter pour commenter, en marge des débats que nous avons déjà prévus à l'horaire, un sujet qui m'apparaît important et qui marque l'actualité depuis déjà plusieurs mois: la moralité et l'intégrité de certains de nos dirigeants et le caractère démocratique de nos institutions.

Depuis que je milite au sein du Parti libéral du Québec, je ne peux m'empêcher de constater à quel point la perception générale des jeunes envers la politique et les politiciens est négative. Si plusieurs croient toujours en l'action politique pour améliorer les choses, la plupart sont plutôt désabusés par les politiciens et doutent qu'il soit possible d'apporter par ce type d'action des changements substantiels au fonctionnement de notre société. Ce sentiment grandit quand ils sont confrontés quasi quotidiennement à la crédibilité et l'authenticité douteuses de certains de nos dirigeants. Les scandales politico-financiers qui secouent depuis plusieurs mois déjà le Québec, le Canada et les États-Unis révèlent une crise telle au sein de nos institutions que même un militant passionné de politique comme moi est au bord de l'écoeurement. [...]

Je crois que, comme jeunes, comme militants et comme citoyens, nous avons la responsabilité d'aborder franchement les questions d'éthique et de confiance envers nos institutions démocratiques. [...]

Pour les élus, il serait souhaitable que tous les candidats dévoilent leurs intérêts au moment de la campagne électorale plutôt que d'attendre d'être invités à faire partie du conseil des ministres. Nous saurions alors à quoi nous en tenir. Si les électeurs craignent qu'un candidat puisse utiliser sa position éventuelle d'élu pour faire mousser ses propres intérêts, ils n'auront qu'à voter en conséquence.

Pour les dirigeants des principales sociétés d'État et pour certains postes clés dans les organismes publics, les candidats pressentis par le gouvernement devraient faire l'objet d'une évaluation par les parlementaires. Peut-être pas pour tous, mais au moins pour ceux dont le mandat dépasse deux ans. Certains redoutent que la partisanerie entache et allonge indûment la procédure de nomination. Le risque est réel, mais quand un président de société d'État est nommé pour un mandat de plusieurs années pour gérer des millions de dollars appartenant aux contribuables, il est plus important selon moi de s'assurer que sa nomination soit empreinte de transparence et exempte de tractations de coulisses.

Un commissaire à l'éthique

Maintenant, il faut s'assurer qu'une fois en fonction, les activités et la conduite des titulaires de charges publiques, qu'ils soient élus ou non, soient surveillées par un véritable commissaire à l'éthique et non pas par un simple commissaire au lobbying, comme c'est le cas actuellement. Le commissaire à l'éthique, qui aurait un représentant au sein de chaque ministère, devrait également bénéficier d'un véritable pouvoir d'action, dont celui d'intenter des poursuites judiciaires. En ce moment, la Commission des valeurs mobilières du Québec en est à revoir, à l'instar des États-Unis, la sévérité des sanctions imposées aux dirigeants d'entreprise frauduleux. On veut augmenter les amendes et restaurer les peines de prison (abolies en 1989) pour certaines infractions à la Loi sur les valeurs mobilières. Les politiciens et les hauts fonctionnaires, eux, sont moins redevables que plusieurs de ces dirigeants véreux. Pourtant, ils gèrent de l'argent public. Je crois donc que nous devrions renforcer les règlements à caractère déontologique qui régissent actuellement les membres du conseil des ministres et les hauts fonctionnaires pour en faire un véritable Code de conduite et que des peines très sévères et dissuasives, pouvant même aller jusqu'à l'emprisonnement, soient imposées à quiconque (ministre, haut fonctionnaire, dirigeant d'entreprise, voire ex-ministre ou ex-fonctionnaire) serait trouvé coupable d'abus de confiance ou de conflit d'intérêts.

Dans cette perspective, il faudrait revoir les mécanismes d'attribution des contrats gouvernementaux, particulièrement pour ceux qui sont accordés sans soumission (de moins de 25 000 $). Les gouvernements, pour contourner le processus de soumissions publiques et donner des contrats aux entreprises de leur choix, offrent trop souvent des ententes sous la barre des 25 000 $, sachant pertinemment que les entreprises auxquelles elles seront offertes excéderont leur budget pour remplir leur mandat. La création stratégique d'organismes sans but lucratif ou de fondations de toutes sortes où l'on place des sommes considérables et dont le but principal est d'échapper au contrôle et de mieux soustraire les transactions gouvernementales des yeux du public devrait être interdite, sinon encadrée.

Il faut très sérieusement envisager des mécanismes qui permettraient à des individus, fonctionnaires, élus ou personnel politique, de dénoncer sans danger des pratiques douteuses ou contraires aux lois et aux règlements. De tels mécanismes ne sont pas sans risque d'embûches et d'abus par certains, mais il existe encore trop de situations de gaspillage, de pratiques discutables et de non-respect des lois et des règlements qui sont découverts trop tard.

Dans un autre ordre d'idée, il faut encourager un rapprochement des citoyens avec leurs élus et une plus grande appropriation de leurs institutions. Comme citoyens, nous avons le droit de saisir le Parlement de tout sujet sous la forme d'une pétition déposée par un député, en notre nom, à l'Assemblée nationale. Mais pourquoi ne pourrions-nous pas nous-mêmes saisir directement un ministre ou un député d'une question, d'un problème, et qu'il nous réponde directement, sans faux-fuyant, et que cette réponse se retrouve en toutes lettres dans le Journal des débats? Il existe bien une période de questions ouverte au public dans les conseils municipaux, pourquoi pas à l'Assemblée nationale? Je crois qu'une telle proposition permettrait à tous les citoyens de se faire entendre s'ils le jugent nécessaire autrement qu'en votant tous les quatre ou cinq ans. Elle pourrait s'ajouter ou s'intégrer à la période de questions actuelle réservée aux députés.

Une liberté balisée

Aussi, je crois que la liberté du premier ministre de nommer autant de ministres qu'il le souhaite devrait être balisée. Quand un gouvernement passe de 28 à 36 ministres sans justification valable, c'est de l'abus de pouvoir et du gaspillage éhonté des fonds publics. À mon avis, il n'y a pas de raison pour qu'un gouvernement soit constitué de plus de 25 ministres (le premier ministre y compris), ce qui assurerait à la population qu'au maximum 20 % de la députation siège au conseil des ministres, et les pouvoirs entre l'exécutif et le législatif seraient ainsi plus équilibrés. Enfin, je crois que le privilège du premier ministre de décider de la date des élections est peu démocratique et qu'il favorise indûment le parti au pouvoir. Par conséquent, il n'a pas sa raison d'être.

Je crois que ces propositions doivent être débattues de façon sérieuse et mises en oeuvre au tout début d'un prochain mandat gouvernemental si l'on veut redonner un peu de lustre à nos institutions, s'assurer que l'intérêt public soit toujours présent et recréer le lien de confiance entre les citoyens et leurs représentants politiques. Elles permettraient de redonner une prise réelle aux citoyens sur des enjeux qui les préoccupent de manière immédiate. De plus, elles refléteraient de manière plus juste et plus équitable la volonté des électeurs. Plus important, elles démontreraient, surtout aux jeunes, que le progrès par l'action politique est encore possible.

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