Doit-on se désoler des nouvelles constructions à Montréal?

L'auteur explique qu'«à la fin des années 1980, le centre-ville de Montréal ressemblait à un gruyère tant il y avait de terrains vacants, et son occupation du sol quasi monofonctionnelle comprenait moins de résidents au pied carré qu’une banlieue comme Lorraine sur la Rive-Nord».
Photo: Getty Images L'auteur explique qu'«à la fin des années 1980, le centre-ville de Montréal ressemblait à un gruyère tant il y avait de terrains vacants, et son occupation du sol quasi monofonctionnelle comprenait moins de résidents au pied carré qu’une banlieue comme Lorraine sur la Rive-Nord».

Depuis une bonne dizaine d’années, on entend assez régulièrement des lamentations concernant les nouvelles constructions qui contribuent à la relative et récente prospérité du centre-ville de Montréal. Je ne suis pas un savant universitaire, politicien ou un critique de l’architecture, mais à titre d’urbaniste et d’ex-fonctionnaire ayant participé étroitement à l’encadrement des projets immobiliers du centre-ville depuis Jean Doré jusqu’à Valérie Plante, je m’interroge beaucoup sur la bonne foi de ces critiques acerbes.

À la fin des années 1980, le centre-ville de Montréal ressemblait à un gruyère tant il y avait de terrains vacants, et son occupation du sol quasi monofonctionnelle comprenait moins de résidents au pied carré qu’une banlieue comme Lorraine sur la Rive-Nord. C’est dans ce contexte, et en vue de revaloriser le cœur économique et culturel du Québec, que l’administration Doré adoptait, en 1990, le Plan directeur de l’arrondissement Ville-Marie, inséré deux ans plus tard dans le premier plan d’urbanisme de Montréal.

Malheureusement et pour diverses raisons étrangères à ce plan, durant la décennie suivante, il n’y a pratiquement eu aucun développement au centre-ville, à l’exception de quelques projets publics ou financés par l’État. Les promoteurs privés n’ont commencé à s’intéresser au centre-ville qu’à partir des années 2000.

Changements de son temps

 

Par exemple, entre 2008 et 2021, uniquement dans l’arrondissement de Ville-Marie, on a observé des investissements privés de plus de 32 milliards de dollars (en coûts de construction) et l’ajout d’à peu près 33 000 logements ! Ainsi, ce boom immobilier, que plusieurs critiques ont décrié, correspond pourtant, malgré une quinzaine d’années de retard, assez précisément à la réalisation des objectifs et orientations du plan directeur de 1990.

Fait à noter, les promoteurs de ce rattrapage sont principalement d’ici et non, comme dans les années 1960 et 1970, des investisseurs étrangers insensibles à la qualité architecturale d’une ville qu’ils ne connaissaient même pas, comme l’a démontré Henri Aubin dans son livre Les vrais propriétaires de Montréal, publié en 1977. De la même façon, ces récentes constructions sont pratiquement toutes conçues par une nouvelle et talentueuse génération d’architectes bien d’ici, dont nous devrions être fiers.

Malheureusement, on apprécie rarement les changements de son temps. Au début du siècle dernier, les diatribes vitrioliques étaient courantes au sujet du traitement des façades décoratives des nouveaux plex de Montréal, qui étaient perçues comme une ridicule surenchère ornementale. Nos critiques en herbe étaient particulièrement féroces à l’égard des « honteux » escaliers extérieurs, lesquels sont pourtant considérés aujourd’hui comme une des principales caractéristiques identitaires de plusieurs quartiers anciens de Montréal.

Je n’ai aucun doute sur le fait que la plupart des nouveaux édifices du centre-ville seront bénis des censeurs de demain, mais, pour l’instant, ceux d’aujourd’hui n’y voient qu’une forêt de tours à la « new-yorkaise » ou une muraille qui bloque la vue du fleuve depuis un point donné du mont Royal.

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