Tenir le crayon pour la Constitution

On apprenait récemment dans les journaux l’intention du ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, de relancer la discussion sur un projet de Constitution du Québec.
Je profite de l’occasion pour rappeler que, de 2016 à 2019, j’ai mené à bien, avec l’Institut du Nouveau Monde (INM), un organisme indépendant à but non lucratif et non partisan dont le mandat est d’accroître la participation des citoyens à la vie démocratique, une démarche visant à doter le Québec d’une constitution entièrement écrite par des citoyens tirés au hasard et représentatifs de la démographie de la nation québécoise. Je n’ai pas pris personnellement part à celle-ci. Mon travail de documentariste a plutôt été de témoigner de ce processus, que j’avais complètement mis entre les mains de l’INM.
Cette recherche, financée par un partenariat avec les Fonds de recherche du Québec et soutenue par le Scientifique en chef du Québec, fut menée sans l’influence d’aucun lobby. Les constituants sont parvenus à rédiger une constitution de 80 articles. Ils ont prouvé que des citoyens « ordinaires », ne se souciant pas d’écrire la constitution d’une province ou d’un pays, laissant plutôt le soin au processus constituant lui-même de définir ce qu’est le Québec, peuvent entièrement faire ce travail.
La Constitution citoyenne du Québec et la méthodologie qui la sous-tend furent officiellement déposées à l’Assemblée nationale du Québec le 29 mai 2019 par Mme Catherine Fournier, ancienne députée indépendante de Marie-Victorin.
Le projet « Constituons ! » est la seule démarche constituante complète qui a été menée au Québec et qui a permis qu’une pluralité de voix représentatives de la nation québécoise travaillent en collégialité à la rédaction d’un tel document. Il me semble particulièrement important de témoigner de cette démarche essentielle, encore méconnue du grand public, au nom du travail rigoureux qu’ont mené ces citoyens et de pouvoir ainsi contribuer à cette discussion délicate qui s’amorce.
J’en appelle donc à la raison de toutes les parties concernées par cette démarche si fondamentale pour le Québec (la société civile, les instances gouvernementales et les médias) : rédiger la loi fondamentale du Québec ne peut pas se réaliser sans les citoyennes et les citoyens. Cela ne peut pas non plus être soumis à une idéologie partisane. C’est l’affaire de toute une société. Le tirage au sort comme manière de déterminer la composition d’une Assemblée constituante est la seule démarche qui puisse avoir une véritable légitimité et poser les bases d’un processus sain et non partisan.
Il est facile d’imaginer que la Constitution du Québec pourrait être au centre de la prochaine élection québécoise. En ces jours où sur terre, la démocratie est particulièrement mise à mal, il apparaît important de sensibiliser les commentateurs de l’actualité politique à l’importance d’analyser et de faire connaître au grand public cette démarche hautement démocratique et menée en toute indépendance par l’Institut du Nouveau Monde.
Cela aurait certainement pour effet de responsabiliser l’ensemble des députés siégeant à l’Assemblée nationale, afin qu’ils prennent en compte le précédent historique et politique que représente la démarche Constituons ! dans le paysage de la vie citoyenne québécoise. Il faut éviter à tout prix que le crayon qui servira à rédiger une loi fondamentale pour le Québec se retrouve dans la main d’un seul homme. Il y va de la santé démocratique du Québec.