Pour une norme zéro émission plus efficace

1,69 $. C’est le prix qu’on devait payer le litre d’essence ordinaire à certains endroits du Québec il y a quelques jours.
Cette rapide hausse du coût du carburant augmente l’engouement envers les véhicules électriques, qu’on pouvait déjà constater dans un sondage de KPMG publié l’an dernier qui estimait que 75 % des Québécois songent à un véhicule électrique comme prochain véhicule neuf. Cependant, ceux-ci arrivent au compte-gouttes chez les concessionnaires. Pour la majorité des modèles, on parle de plusieurs mois, voire de plus d’un an d’attente.
Au moment où les gouvernements du Québec et du Canada veulent accélérer la vente de véhicules électriques, ce manque de disponibilité représente un réel défi pour les consommateurs. Certains répondent que le problème de disponibilité des véhicules est généralisé en raison de la pénurie de microprocesseurs et que c’est pourquoi il est difficile de mettre la main sur un véhicule électrique. Et pourtant…
De plus en plus de véhicules électriques sont disponibles… ailleurs.
Selon Statistique Canada, les VZE (véhicules zéro émission : 100 % électriques et hybrides rechargeables) ont représenté 9,5 % des ventes au Québec au troisième trimestre de 2021. Si ça peut sembler une évolution intéressante, le Québec se fait dépasser par d’autres :
Colombie-Britannique : 11,9 % des ventes au 3e trimestre 2021
Californie : 12,4 % pour l’année 2021
Chine : 21 % en décembre 2021
France : 24,5 % en décembre 2021
Angleterre : 33 % en décembre 2021
Allemagne : 34 % en novembre 2021
Suède : 60 % en décembre 2021
Norvège : 90 % en décembre 2021
Ainsi, là où la réglementation est plus contraignante, les constructeurs automobiles offrent et vendent plus de véhicules.
Une transition avantageuse
Accélérer la transition vers les véhicules électriques est économiquement avantageux.
Selon le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles, « en 2019, le déficit de la balance commerciale du Québec a atteint 11,7 milliards de dollars. Les importations d’hydrocarbures du Québec… ont atteint 5,6 milliards de dollars et représentaient donc l’équivalent de 48 % du déficit de la balance commerciale ».
Selon le rapport d’analyse d’impact réglementaire du gouvernement du Québec « le projet de resserrement de la norme VZE entraînerait des bénéfices estimés à environ 10,4 milliards de dollars ». Or, dans son nouveau projet de norme VZE, le gouvernement propose plutôt de ne pas accélérer cette transition par des mesures réglementaires… durant les sept prochaines années. Comme on peut le lire en toutes lettres dans le même rapport, « n’observe que le projet de resserrement de la norme VZE n’entraînerait aucune augmentation du nombre de VE sur les routes pour les premières années d’application puisqu’on estime que le nombre de VE sur les routes dépassera les exigences minimales de crédits. La nouvelle norme VZE ne deviendrait contraignante qu’à compter de 2029, ce qui accélérera l’adoption des VE pour permettre l’atteinte des objectifs du PEV 2030. »
Les consommateurs risquent donc de devoir continuer à attendre leur véhicule électrique pendant des mois ou même plus d’un an… ce que tous ne peuvent pas ou ne veulent pas faire. La demande mondiale de VZE étant plus forte que l’offre, les constructeurs enverront ceux-ci en priorité là où la réglementation est la plus contraignante.
De plus, selon les données gouvernementales, ce projet diminuerait les émissions de GES des véhicules légers de seulement 13 % d’ici 2030, loin de l’objectif de 37,5 %. Le Québec risque donc de devoir acheter des crédits carbone à l’étranger, ce qui provoquerait une fuite de capitaux qui pourrait coûter jusqu’à 16,2 milliards de dollars aux entreprises émettrices d’ici.
Si nous saluons la volonté du gouvernement du Québec d’accélérer la vente de véhicules électriques, le projet de norme zéro émission tel qu’il est proposé est inadéquat pour répondre aux défis des changements climatiques et d’adoption de véhicules électriques. C’est pourquoi nous lui recommandons d’adopter une norme zéro émission plus efficace et ambitieuse afin que nous atteignions 100 % des ventes de VZE en 2030 ou, à tout le moins, suivions l’exemple de la Colombie-Britannique, qui vise 90 % de ventes de VZE en 2030 et 100 % en 2035. Les consommateurs auront ainsi plus facilement accès à des véhicules électriques. Une fois cette mesure combinée à d’autres, qui favorisent l’essor du transport collectif, du transport actif, de l’autopartage électrique et du covoiturage électrique, l’environnement et l’économie du Québec ne s’en porteront que mieux.
Si le Québec veut vraiment être un leader de l’électrification des transports et de la lutte contre les changements climatiques, il ne peut pas se contenter de se comparer aux pires provinces et pays. Il doit se comparer aux meilleurs… et agir en conséquence.
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