Les droits et libertés, à mettre en oeuvre collectivement

Dans sa lettre du 12 janvier, Hubert Rioux célèbre avec vigueur les méthodes employées par le gouvernement du Québec pour gérer la pandémie, dénonçant du même coup une pseudo « pensée individualiste » qui expliquerait, selon lui, les dissidences émises face aux mesures sanitaires, notamment concernant leur impact sur les droits de la personne.
Le portrait réel des personnes non vaccinées n’est pas que celui qu’on nous dépeint généralement. On parle aussi de personnes en situation d’itinérance, sans statut, vivant avec un problème de santé mentale, isolées, analphabètes ou qui ne parlent ni le français ni l’anglais. En prônant des mesures qui s’en prennent particulièrement à ces personnes, M. Rioux et tant d’autres personnes tombent précisément dans le piège du gouvernement du Québec : ces personnes détournent la tête pour ne pas examiner l’ensemble du problème.
Le système hospitalier n’est pas saturé qu’en raison de l’hospitalisation des personnes non vaccinées. Il est saturé parce que, depuis trente ans, des gouvernements néolibéraux mettent la hache dans le budget du système de santé et dans les conditions de travail de ses travailleurs et travailleuses. Il est saturé parce que, depuis 2015, la direction de la santé publique a subi des coupes budgétaires importantes qui l’ont empêchée et qui l’empêchent toujours de prévoir les coups. Il ne faut pas confondre les causes et les conséquences.
Fausse conception individualiste
Les droits et libertés font couramment l’objet dans l’espace public d’une profonde mécompréhension. Souvent erronément définis comme des droits « individuels » et opposés à de prétendus droits « collectifs » qui seraient ceux de la « majorité », ils subissent régulièrement des attaques non fondées. En effet, s’il est vrai que chaque personne est titulaire de ses droits, il importe de rappeler que ceux-ci requièrent très souvent des modes de mise en œuvre collective. Et ceci est aussi vrai pour la justice que pour la santé.
Cela signifie que le gouvernement a le devoir de s’assurer que les droits et libertés de l’ensemble de la population sont respectés et pris en compte lors de décisions. Et dans le contexte COVID, les droits des personnes vulnérables et marginalisées doivent recevoir une attention particulière afin d’éviter les discriminations et les exclusions lors de l’adoption de nouvelles politiques ou directives.
Depuis mars 2020, le Québec est plongé dans un état d’urgence sanitaire auquel s’accroche le gouvernement. Les décisions prises dans ce contexte tassent du revers de la main l’exigence et le respect des droits de la personne, dénoncés comme de « pur[s] caprice[s] » et des « lubies égocentriques ».
La règle de droit n’a pas attrapé la COVID et elle n’est pas en quarantaine. La banaliser nous promet des lendemains sombres.