Sur la responsabilité étatique en temps de pandémie

«La restriction des libertés et, ensuite, le consentement à fournir des données médicales pour accéder à des restos, des salles de spectacle, etc., ont été généralement acceptés», affirme l'autrice.
En janvier 2020, quand le premier cas de COVID-19 a été repéré en Allemagne — quelqu’un qui avait été en contact avec des personnes asymptomatiques —, le virus était un sujet dont on ne parlait, au Canada et au Québec, que pour dénoncer les drastiques mesures imposées à Wuhan.
Un site fédéral sur la COVID-19 avait été mis en place au début février : on n’indiquait pas à ce moment-là que le virus pouvait être transmis par des asymptomatiques – on niait même cela publiquement –, même si l’on savait sciemment qu’à l’étranger, c’était le cas. Le cirque à ce sujet a continué bien au-delà du mois de mars, alors qu’on mettait en doute l’utilité des masques qui, on l’a vite compris, ne correspondait pas à des observations scientifiques, mais plutôt à la pénurie des masques.
Mieux vaut ne pas revenir sur la batterie des mesures, dès le mois de mars 2020 jusqu’à la fin du printemps 2021. La population québécoise a été, en général, très sage et docile, si bien qu’elle n’a pas remis en question la pertinence des mesures, même celles du confinement et du couvre-feu (mot qui, à la sud-américaine d’origine que je suis, rappelle les mesures dictatoriales d’une autre époque). C’est dire que la restriction des libertés et, ensuite, le consentement à fournir des données médicales pour accéder à des restos, des salles de spectacle, etc., ont été généralement acceptés.
Pour la petite histoire personnelle, afin d’éviter que l’on m’accuse de négationniste, je tiens à mentionner que j’avais volontairement réduit mes contacts dès le début du mois de février 2020 en voyant le chaos que le virus générait en Europe. J’avais également interpellé mon superviseur au travail pour suggérer de distribuer des lingettes désinfectantes et de réduire le nombre d’employés qui travaillaient sur place. Évidemment, mon superviseur ne pouvait rien faire à ce sujet. Tout cela, au mois de février 2020. Visionnaire ? Non, simplement une citoyenne informée qui ne se limite pas aux médias locaux, trop centrés sur le Québec.
Revenons à l’année 2021. L’espoir de l’efficacité vaccinale était tel que, en annonçant l’introduction du passeport vaccinal, François Legault avait rassuré la population : il n’y aurait plus de confinement ni de restrictions pour les doublement vaccinés. Le même François Legault qui, à l’automne, a décidé qu’il n’était pas prioritaire de commencer à distribuer des tests rapides, moyen de prévention formidable, et ce, malgré ses limites. Pourquoi ? On a cru que les citoyens n’en feraient pas bon usage, nous infantilisant ainsi. Le même qui n’a pas cru bon de mettre l’emphase sur la protection, par exemple en rendant facilement accessibles les masques N95, ceux-là mêmes que l’on sait être les plus efficaces contre le virus (obligatoires à l’intérieur en Allemagne dès le printemps 2021). Le même qui n’a pas prévu une capacité accrue aux soins intensifs, même si l’on sait que, à l’hiver, on est plus enclins à attraper le virus. Le même qui, aujourd’hui, nous confine à nouveau, allant à l’encontre de ce qu’il promettait il y a à peine quelques mois.
L’importance de la seule responsabilité individuelle était compréhensible au début de 2020, quand on en savait encore trop peu sur la COVID-19 et qu’on n’avait pas de moyens de prévenir le pire (même si une enquête sérieuse sur l’absence de scénarios préventifs en cas de pandémie au niveau fédéral aurait été salutaire) : la prudence avant tout. Près de deux ans après, la crise actuelle ne s’explique plus seulement par le virus lui-même, mais aussi, et surtout, par l’incompétence de nos élus. Soyons clairs : que des variants de plus en plus contagieux mais moins graves existent et provoquent nécessairement plus de cas est indiscutable. Toutefois, que le réseau de la santé en soit submergé, deux ans après le début de la pandémie, relève de l’incompétence gouvernementale.
L’État d’urgence et les mesures qui sont mises en place au nom de la santé publique doivent avoir des limites, sans quoi c’est la démocratie elle-même qui en souffre. Et pour justifier la limitation des libertés indéfiniment jusqu’à la énième vague, ne faudrait-il pas, au préalable, que l’État lui-même fasse preuve de responsabilité ? À quoi bon faire la morale aux citoyens quand l’État n’est plus à la hauteur, incapable de prévenir et de prévoir ce qui était prévisible ?