La Maison Chevalier et la suite pour la place Royale

Depuis l’annonce de la vente imminente de la Maison Chevalier, le monde du patrimoine et de nombreux citoyens se sont mobilisés pour que le ministère de la Culture et des Communications et le Musée de la civilisation trouvent une autre solution que de céder ce monument historique à une entreprise privée. Des organismes et des citoyens engagés dans la mise en valeur du patrimoine souhaitaient qu’à tout le moins la vente se conclue avec un organisme public afin que ce symbole de la renaissance de la place Royale reste une propriété collective. Malgré les appels répétés pour sortir de ce mauvais pas, le Musée et le Ministère ont choisi l’option de vendre. L’annonce officielle a été diffusée vendredi 29 octobre en fin de journée.
Il ne fait aucun doute qu’en raison de son caractère unique, la Maison Chevalier méritait, comme bien culturel national, un meilleur traitement. Déjà, l’État avait investi des sommes considérables pour sa protection, et les programmes de maintien des actifs du gouvernement pouvaient assurer sa pérennité. Il fallait tout simplement garantir un budget pour sa mise en valeur. On le fait à grands frais pour des événements éphémères sous prétexte de retombées touristiques et économiques ; or la Maison Chevalier est au cœur de la place Royale, et joue un rôle essentiel dans une stratégie urbaine et touristique.
Dans un communiqué diffusé le 30 octobre, la ministre de la Culture et des Communications, Mme Nathalie Roy, annonce « qu’elle a confié au Musée de la civilisation le mandat de constituer un fonds destiné à la mise en valeur du patrimoine de la place Royale. Ce fonds, pourvu d’une enveloppe de l’ordre de 2,2 millions de dollars correspondant aux fruits de la vente de la Maison Jean-Baptiste-Chevalier, sera réservé à l’animation du secteur de la place Royale et des voûtes de la Maison Chevalier ainsi qu’à la préservation de ce secteur. Par cette mesure, le gouvernement réitère sa volonté de protéger la Maison Chevalier et d’en garantir l’accès au public ».
On ne doit pas oublier que le ministère de la Culture a déjà fermé le Musée de la Place-Royale. Cet espace répondait pourtant aux normes muséales et accueillait chaque année des dizaines de milliers de visiteurs et des centaines de groupes scolaires sensibilisés ainsi à l’histoire. Avec la fermeture de la Maison Chevalier, les visiteurs ne peuvent plus visiter aucun lieu d’interprétation du site et comprendre pourquoi Québec est une ville du patrimoine mondial.
Le ministère semble partager notre préoccupation de mise en valeur du patrimoine et de la nécessité de développer des modes de diffusion des savoirs historiques. Il doit cependant faire un pas supplémentaire et remettre en action le Musée de la Place-Royale.
Rappelons que si l’UNESCO a inscrit la ville de Québec sur la liste du patrimoine mondial en 1985, c’est notamment parce que la place Royale représente le berceau de la civilisation française en Amérique. Ce lieu historique est l’équivalent pour les Américains de Jamestown fondé un an plus tôt que Québec en 1607.
Le gouvernement américain en a fait un site historique national avec un énoncé de mission et un plan de développement auquel participent les citoyens. On n’y compte pas un, pas deux, pas trois, mais quatre musées qui mettent en valeur son histoire. Ne pourrait-on pas s’inspirer de cette vision pour enfin doter la capitale nationale d’un lieu formel et reconnu de diffusion du patrimoine collectif.
Nul doute que le ministère pourra compter sur l’appui de la ministre responsable de la région de la Capitale-Nationale et du premier ministre, qui a démontré sa volonté de mettre en valeur notre histoire et notre territoire.
* Ont signé ce texte : Yves Bergeron, professeur titulaire de muséologie et de patrimoine, Département d’histoire de l’art, UQAM ; Michel Côté, ex-directeur du Musée de la civilisation ; Alex Tremblay Lamarche, président de la Société historique de Québec au nom de l’organisme ; Michel Masse, président du Comité des Citoyens du Vieux-Québec au nom de l’organisme ; J.-Louis Vallée, président de la Fédération Histoire Québec au nom de l’organisme ; Pierre-Paul Sénéchal, président, Groupe d’initiatives et de recherches appliquées au milieu (GIRAM) au nom de l’organisme ; Gérard Beaudet, professeur titulaire, École d’urbanisme et d’architecture de paysage, Université de Montréal ; Pierre Lahoud, historien et photographe ; Daniel Turp, professeur associé, Faculté de droit, Université de Montréal ; Joseph Gagné, historien postdoctorant, Université de Windsor ; Fernand Harvey, Centre Urbanisation Culture Société, INRS.
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