Protégeons le parc de logements abordables

«La Ville pourrait mettre en oeuvre ses pouvoirs de zonage municipal pour protéger les logements locatifs», croient les auteurs. En photo, une manifestation contre la hausse des loyers, le 24 avril 2021, à Montréal.
Photo: Graham Hughes La Presse canadienne «La Ville pourrait mettre en oeuvre ses pouvoirs de zonage municipal pour protéger les logements locatifs», croient les auteurs. En photo, une manifestation contre la hausse des loyers, le 24 avril 2021, à Montréal.

Les élections municipales montréalaises se déroulent sur fond d’une crise du logement de plus en plus grave. Les grands partis proposent d’y remédier avec des solutions fort médiatisées, mais accordent peu ou aucune attention a un problème central : l’élimination de logements existants réellement abordables.

Les promesses des trois partis se concentrent sur la construction de nouveaux logements. Projet Montréal fait campagne sur sa réglementation exigeant l’inclusion de logements sociaux dans les projets immobiliers ; Mouvement Montréal s’engage à renforcer cette politique, tandis qu’Ensemble Montréal souhaite l’abandonner au profit d’une entente hypothétique qui couvrirait l’ensemble de la région métropolitaine. Projet Montréal promet également 60 000 logements abordables pour la classe moyenne sur dix ans en louant des terrains neufs et existants, appartenant à la Ville, à des promoteurs et à des organismes sans but lucratif. Cette promesse retirerait toutefois aux milieux locaux de précieux terrains déjà choisis pour d’importants projets de logements sociaux.

Dans l’esprit de limiter les hausses de loyer, les trois partis ont proposé différentes versions d’un registre municipal des loyers. Un registre qui s’appliquerait à tous les propriétaires (tel que proposé par Mouvement Montréal) serait un outil intéressant. Mais il reste limité face à la perte, chaque année, de milliers de logements locatifs relativement abordables par le biais d’opérations spéculatives légales, mais de nature frauduleuse, pour convertir les logements locatifs en copropriétés (divises et indivises) ou en hébergement touristique, ou simplement pour hausser le loyer à des niveaux inabordables.

Des brèches légales

 

Que ce soit en prétextant une « reprise » du logement, une éviction pour un agrandissement ou une subdivision, ou des travaux majeurs (les fameuses « rénovictions »), ces opérations exploitent des brèches légales qui mettent fin au bail des locataires. Bien souvent, les prétendus projets ne sont pas réalisés ou, dans le cas des rénovictions, ne respectent pas le droit des locataires de garder leur logement rénové. Le nombre de logements abordables ainsi perdus chaque année est de loin supérieur au nombre de nouveaux logements abordables réels créés, ou même promis. Or, aucune instance, municipale ou provinciale, n’agit pour empêcher cette prévisible érosion du parc locatif qui fait fi des droits des locataires.

Les compétences existent pourtant au niveau municipal pour protéger le parc de logements locatifs. D’une part, il faudrait revoir la séquence d’émission des permis de construction. Plutôt que de délivrer sans condition un permis pour rénover, agrandir ou subdiviser un logement locatif, la Ville pourrait exiger des propriétaires la démonstration que la loi est respectée par l’approbation du projet par le Tribunal administratif du logement. La Ville pourrait également assurer un suivi dans l’année qui suit la délivrance du permis pour s’assurer que les propriétaires respectent leurs engagements.

La Ville pourrait, d’autre part, mettre en œuvre ses pouvoirs de zonage municipal pour protéger les logements locatifs. C’est ainsi que la municipalité de New Westminster, dans le Grand Vancouver, a adopté en 2018 une loi qui priorise les logements locatifs dans des zones spécifiques. Dans ces zones, les logements locatifs existants doivent être conservés tels quels, tandis que les nouveaux développements sont tenus de respecter une proportion (allant parfois jusqu’à 100 %) de logements locatifs.

Alors que la crise du logement fait rage, plusieurs ménages montréalais ont besoin d’actions audacieuses pour construire de nouveaux logements sociaux et abordables, ainsi que pour surveiller et contrôler les loyers. Ces actions n’auront toutefois une portée concrète que dans la mesure où les logements locatifs abordables existants sont protégés contre la variété d’actions légales, illégales et frauduleuses qui éliminent des milliers de ces unités chaque année.

À voir en vidéo