Les ravages de la guerre contre l’obésité sur les adolescents

«Si l’on considère que plus de 95% des adolescents utilisent une plateforme de médias sociaux et peuvent passer plus de sept heures par jour en ligne, l’accent mis sur le poids corporel sur les médias sociaux, surtout pendant la pandémie, est source de problèmes», écrivent les auteurs.
Photo: Frederic J. Brown Agence France-Presse «Si l’on considère que plus de 95% des adolescents utilisent une plateforme de médias sociaux et peuvent passer plus de sept heures par jour en ligne, l’accent mis sur le poids corporel sur les médias sociaux, surtout pendant la pandémie, est source de problèmes», écrivent les auteurs.

La pandémie de la COVID-19 a engendré de nombreuses répercussions inattendues. En particulier, cette pandémie a déclenché un intérêt accru pour le poids et la morphologie du corps.

La « quarantaine 15 », la « COVID-15 », la « covibésité » ne sont que quelques-uns des termes inventés pour désigner les problèmes de gain de poids durant les périodes de confinement. D’un intérêt particulier pour les adolescents, les plateformes de médias sociaux instillent la peur de prendre du poids et de devenir « gros », ce qui peut aggraver les attitudes défavorables à l’encontre des enfants et des adolescents qui vivent avec un poids élevé. Cela doit s’arrêter.

Les répercussions négatives de l’exposition aux médias sociaux sur la santé mentale des adolescents ont largement fait l’objet d’études et ne sont pas nouvelles. Les adolescents sont inondés de publications sur le poids, la beauté et l’apparence sur les médias sociaux. Ceux-ci sont l’une des causes principales des préoccupations concernant le poids, de l’insatisfaction envers son image corporelle, de troubles alimentaires et de moqueries envers les jeunes. Si l’on considère que plus de 95 % des adolescents utilisent une plateforme de médias sociaux et peuvent passer plus de sept heures par jour en ligne, l’accent mis sur le poids corporel sur les médias sociaux, surtout pendant la pandémie, est source de problèmes.

Nous savons que les moqueries à propos du poids sont la forme la plus commune d’intimidation chez les enfants et les adolescents. Ces incidents ont été observés de la part des étudiants et enseignants ainsi que dans tous les milieux éducatifs, garderies, écoles primaires et secondaires et universités. Par ailleurs, on ne peut ignorer la prévalence des moqueries sur le poids, même à la maison. Selon une étude, plus du tiers des adolescents rapportent une expérience de stigmatisation de la part des membres de leur famille.

Être victime de moqueries liées au poids dans l’enfance a des répercussions négatives tant sur l’engagement à l’école que sur la réussite scolaire. Les commentaires négatifs de la famille ou des pairs peuvent donner lieu à des symptômes dépressifs durant l’enfance comme à l’âge adulte.

Une étude toute récente, publiée en juillet 2021, a révélé, lors d’un sondage réalisé auprès d’un large échantillon d’adolescents américains âgés de 11 à 17 ans, que 53 % des jeunes ont été exposés à au moins une forme de contenu stigmatisant le surpoids sur les médias sociaux, dont des blagues sur le fait de « manger ses émotions » et des mèmes illustrant le gain de poids durant la pandémie. Cette étude a également montré que la pandémie a augmenté l’insatisfaction par rapport à leur image corporelle chez 41 % des adolescents interrogés et chez 67 % des filles qui vivent avec un poids élevé.

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Parmi les autres conséquences liées à la stigmatisation à propos du poids figure l’adoption de comportements alimentaires problématiques, comme la frénésie alimentaire et l’alimentation excessive. La pandémie a également aggravé l’insécurité alimentaire, les confinements ont rendu les enfants moins actifs physiquement et ont accru leur temps passé devant l’écran.

Pandémie fantôme

 

Depuis mars 2020, la pandémie de COVID-19 a assombri la vie des enfants, des jeunes et des adultes, aux prises avec le stress et la peur de contracter le virus. La pandémie fantôme relative aux problèmes de santé mentale a mis en lumière et exacerbé les inégalités préexistantes, dont l’insécurité alimentaire, la pauvreté, la maltraitance des enfants, la violence faite aux femmes, l’inactivité physique, la dépression, l’anxiété, l’alcoolisme et la toxicomanie chez les Canadiens.

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Dans le contexte de la pandémie en cours, un mois après la rentrée scolaire, nous exhortons les parents, les enseignants, les collègues, les professionnels de la santé et les amis à cesser de blâmer les enfants et les adolescents qui vivent avec un poids élevé.

Certes, plusieurs études le confirment, l’excès de graisse corporelle nuit à la santé et augmente les risques de diabète, de maladies cardiovasculaires, de cancer et d’autres maladies. Certes, nous savons que les enfants et les adolescents qui vivent avec l’obésité dans l’enfance et à l’adolescence sont plus susceptibles de le vivre aussi à l’âge adulte. Mais blâmer et humilier n’a jamais aidé à réduire la prévalence de l’obésité chez nos jeunes ; cela ne fait peut-être qu’aggraver les préoccupations à propos du poids, les préjugés, la stigmatisation et la discrimination dans la société.

Considérant le stress induit par la pandémie, cet automne, nous devons tous et toutes faire des efforts pour encourager un dialogue empreint de sensibilité et nous concentrer plutôt sur la santé globale et le bien-être que sur le chiffre inscrit sur la balance. Et plus encore, considérant tout le stress et la charge mentale que nos enfants et nos jeunes ont endurés l’année passée, restons à l’écart des conversations axées sur le poids corporel et concentrons-nous davantage sur les habitudes saines qui rendent nos enfants heureux et leur permettent d’avoir du plaisir.

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