Le dernier véritable espoir

«10 % des pays sont responsables de 80 % des émissions mondiales de GES», rappelle l'auteur. En photo, la marche mondiale pour le climat du 24 septembre 2021, à Montréal.
Photo: Ryan Remiorz La Presse canadienne «10 % des pays sont responsables de 80 % des émissions mondiales de GES», rappelle l'auteur. En photo, la marche mondiale pour le climat du 24 septembre 2021, à Montréal.

Le plus récent rapport du GIEC de 3949 pages, publié en août dernier, une synthèse d’environ 14 000 publications scientifiques, laisse poindre (certains diront « encore une fois ! ») un cataclysme climatique.

Dans son rapport, le GIEC décrit l’évolution des températures à venir selon cinq différentes trajectoires socioéconomiques. Rappelons que l’Accord de Paris vise à limiter la hausse de la température mondiale planétaire à 1,5 °C d’ici 2100. Dans quatre scénarios d’émissions sur cinq, nous dépasserons le seuil de réchauffement mondial de +1,5 °C dans un avenir proche (entre 2021 et 2040) et resterons au-dessus de ce seuil jusqu’à la fin du siècle.

Le cinquième scénario, le plus optimiste, prévoit que nous atteindrons la hausse de 1,5 °C dans les années 2030, suivie d’un sommet à +1,6 °C, avant de redescendre à 1,4 °C à la fin du siècle. Mais ce scénario suppose une gigantesque quantité d’émissions négatives au cours du XXIe siècle. Le problème est que nous savons que les technologies nécessaires pour générer des émissions négatives (comme la captation de carbone) dans cet ordre de grandeur n’existent pas, coûtent extrêmement cher (l’équivalent de 800 $ la tonne) ou n’ont jamais été testées à cette échelle (on en est à des projets pilotes ou particuliers).

Conclusion : limiter le réchauffement mondial à +1,5 °C ne sera plus possible sans une baisse immédiate et généralisée des émissions de GES.

Voilà donc pour les faits.

Ce que cette situation implique est clair : nous ne sommes plus dans un monde d’atténuation où, par exemple, on prévient les impacts par des taxes carbone, mais dorénavant dans un monde d’adaptation où, l’étendue des dégâts étant trop avancée, il faut maintenant penser à protéger les plus vulnérables des perturbations du climat et à financer cette protection sociale par une fiscalité conséquente.

Il faut donc agir de toute urgence à partir de leviers sur lesquels nous avons le contrôle. Ces deux leviers sont les suivants : sortir des énergies fossiles et sortir de la croissance.

La tyrannie du PIB

 

En effet, les différentes projections du GIEC nous commandent d’abandonner l’objectif de croissance et surtout de l’utilisation du PIB comme jauge du bien-être collectif. La croissance de PIB est fortement corrélée aux émissions de GES et à l’exploitation des ressources naturelles. Il faut donc se délivrer de la « tyrannie du PIB » (dixit l’économiste Éloi Laurent) et mesurer le mieux-être de la population à partir d’indicateurs promouvant le bien-être humain et un amenuisement des inégalités. Ce travail sur de nouveaux indicateurs de bien-être est d’ailleurs déjà bien amorcé dans bon nombre d’institutions internationales.

Une question demeure toutefois : qui doit assumer le fardeau des sorties de crise ? Rappelons que 10 % des pays sont responsables de 80 % des émissions mondiales de GES. La Terre ne se réchauffe pas de la même façon partout, et la grande majorité des personnes les plus affectées par les changements climatiques (vagues de chaleur, feux de forêt, tornades, inondations, etc.) ont peu ou prou de responsabilités par rapport aux émissions de GES. La responsabilité n’est donc pas égale, c’est une question de justice climatique élémentaire.

C’est là que se situe le rôle sans précédent que devrait jouer la COP26 à Glasgow en novembre. Devant l’urgence d’opérationnaliser les trois éléments que j’ai exposés ci-dessus (sortir des énergies fossiles, sortir de la croissance, assigner la responsabilité de la transition), il nous faut des initiatives fortes, immédiates et permanentes. Les résultats minimaux obtenus à cette grand-messe du climat devraient donc être les suivants...

S’entendre sur le principe d’une taxation mondiale du CO2, tout comme on l’a fait dernièrement pour le principe d’une taxation mondiale minimum de 15 % des profits des entreprises. La situation est similaire : à problème mondial, solution mondiale.

S’entendre sur une répartition des émissions restantes entre pays (le fameux « budget carbone » restant, une manière simplifiée d’évaluer la quantité de CO2 pouvant être libérée avant d’atteindre un niveau de réchauffement donné). Ces émissions restantes seraient, à leur tour, réparties entre les différents groupes socioéconomiques (particuliers, riches, pauvres, entreprises, etc.) de chacun des pays.

Comme le souligne à juste titre le climatologue Zeke Hausfather du Breakthrough Institute, « si nous réduisions les émissions à zéro demain, le monde cesserait probablement de se réchauffer. La question de savoir à quel rythme nous pouvons réduire les émissions de manière réaliste est une question de politique et d’économie, et non de science physique ». La lutte contre les changements climatiques mobilise des ressources sans précédent. Il faut dépasser le sempiternel « il n’y a pas de planète B » et aller bien au-delà de l’écologie cosmétique.

Atteindre un double consensus sur le principe d’une taxation mondiale du carbone et d’une répartition des responsabilités des émissions à Glasgow représenterait enfin un geste significatif et sans précédent vers un règlement durable de la crise climatique.

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