Comment soutenir le personnel enseignant

En mai et juin derniers, notre Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante (CRIFPE) a réalisé une vaste enquête auprès de plus de 2400 enseignants à travers tout le Québec à propos de leurs conditions de travail au cours des 16 premiers mois de la pandémie, soit de mars 2020 à juin 2021.
Qu’est-ce que cette enquête nous apprend et quelles leçons en tirer pour la nouvelle année scolaire ? Un premier élément qui ressort concerne les directives du ministère de l’Éducation adressées au personnel enseignant. En effet, près de 80 % des répondants jugent que ces directives n’étaient pas du tout claires.
Depuis quelques semaines, on observe que ce problème de clarté semble se répéter à l’aube de la nouvelle année scolaire 2021-2022. Or, les personnes interrogées soulignent à plus de 85 % qu’elles ont côtoyé régulièrement des élèves ou des collègues qui avaient la COVID-19 au cours de l’année scolaire précédente, ce qui représentait pour elles des risques évidents pour leur propre santé.
Dans un tel contexte, il semble urgent que le ministère de l’Éducation offre le plus rapidement possible au personnel enseignant non seulement des directives plus claires cette année, mais également des protocoles d’intervention concernant les risques auxquels il pourrait faire face dès les prochaines semaines avec la montée en force du variant Delta. Un personnel enseignant en bonne santé et confiant est la première clé du succès, en ce début d’année.
Le personnel enseignant n’est pas formé pour jouer le rôle de technicien en informatique. Notre enquête révèle ainsi que près de 80 % du personnel enseignant s’est senti peu ou pas compétent pour enseigner en ligne. Ce problème affecte tout particulièrement les enseignantes du primaire et celles en adaptation scolaire. Il concerne aussi les élèves dont une bonne moitié, selon les enseignants, aurait éprouvé des difficultés avec le numérique, plus particulièrement en adaptation scolaire et en éducation des adultes, soit des élèves qui sont particulièrement vulnérables.
De manière générale, plus de 80 % des enseignants estiment que leurs élèves ont connu des retards dans leurs apprentissages depuis le début de la pandémie.
Durant les 16 premiers mois de la pandémie, le personnel enseignant a été trop souvent laissé à lui-même. Par exemple, plus de 70 % des enseignants soulignent qu’ils n’ont pas reçu l’aide dont ils avaient besoin par rapport à l’enseignement en ligne.
Épuisement
Par ailleurs, l’appui des conseillers pédagogiques a été très fluctuant d’un ordre d’enseignement à l’autre et nettement plus faible au secondaire. Enfin, deux tiers des enseignants ont déclaré que les parents d’élèves ne se sont pas vraiment engagés davantage depuis le début de la pandémie dans le soutien aux apprentissages scolaires.
Tout cela a fait en sorte que près de 75 % des enseignants ont éprouvé des sentiments d’épuisement physique ou émotionnel sur une base régulière et près de la moitié ont aussi éprouvé le sentiment d’être au bout du rouleau. Cette situation a engendré beaucoup de frustration chez les enseignants faisant face à une augmentation substantielle de leur charge de travail dans un contexte où le soutien réel s’est fait rare.
Avec la quatrième vague de la pandémie qui s’amorce, l’année scolaire risque encore une fois d’être sérieusement bousculée. Il est donc plus que temps de mettre en place des mesures systématiques de soutien au profit du personnel enseignant. Notre école représente l’avenir du Québec : il est temps d’en prendre soin et de se préoccuper vraiment de ceux et celles qui y travaillent.
*Ont signé ce texte:
Maurice Tardif, Université de Montréal;
Cecilia Borges, Université de Montréal;
Monica Cividini, Université du Québec à Chicoutimi;
Joséphine Mukamurera, Université de Sherbrooke.
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