Le moment est venu de se donner un congé de GES

Le défilement quotidien des catastrophes climatiques qui s’abattent sur nous me donne régulièrement envie de me recroqueviller sur moi-même et de me taper une dépression d’enfer, ou encore de partir sur le party dans un rave sans fin en criant « fuck toute ».
Rester mobilisé dans la lutte aux changements climatiques est un engagement à renouveler sans cesse et les constats du plus récent rapport du GIEC sur la progression alarmante du phénomène n’ont rien fait pour calmer nos angoisses.
Les choses ne vont pas bien. La Californie, l’Oregon, la Colombie-Britannique, l’Amazonie et l’Australie brûlent sous nos yeux. Les vagues de chaleur se multiplient en Europe et en Amérique du Nord. Le climat se dérègle, les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère ne cessent d’augmenter, la planète se réchauffe et les impacts des changements climatiques se multiplient et empirent.
Il est de moins en moins possible de se convaincre que la stratégie des petits pas que nous avons déployée jusqu’à maintenant se montre à la hauteur alors que tout fout le camp autour de nous. Le comble de la stupidité serait de penser que l’on peut régler le problème en continuant d’employer des solutions qui ne produisent pas les résultats escomptés.
Selon le dernier rapport du GIEC, la seule façon d’éviter le pire consiste à réduire drastiquement nos émissions dès maintenant jusqu’à ce qu’on n’émette plus rien du tout à l’horizon 2050. Il faudrait, en somme, diminuer chaque année nos émissions d’un niveau comparable au choc de la COVID-19 pour 2020.
« Nous avons besoin d’un changement radical et systémique », implore maintenant le plus haut diplomate de la planète, le Secrétaire général des Nations unies, António Guterres. Nous avons attendu trop longtemps. Place maintenant aux remèdes de cheval.
On entend le message, mais on n’en tire pas encore les conséquences. Les parlements décrètent l’état d’urgence climatique et des leaders mondiaux parmi les plus respectés se joignent maintenant à des classes de jeunes de 14 ans pour réclamer des mesures radicales pour faire face à la situation. C’est bien. Mais le problème n’est plus de reconnaître la crise, mais de déterminer ce qu’on entend par « mesures radicales ». À ce chapitre, nous nageons en plein déficit d’imagination.
Prendre une pause
Et pourtant. Réduire les émissions de GES n’est pas sorcier. On n’a qu’à cesser d’en émettre. Voyons ça comme une façon de prendre un long congé de la course fébrile qui nous tient lieu de mode de vie et de la spirale de surconsommation dans laquelle nous nous sommes engagés depuis plusieurs décennies.
Le plus gros de nos émissions de GES provient de la combustion de carburants fossiles dans les transports, l’industrie et la production d’électricité. Serait-il si compliqué que ça de nous donner collectivement congé quelques mois par année afin de diminuer nos émissions ?
Rien ne nous empêche, techniquement, de nous priver quelque temps de nos véhicules à essence et de fermer pendant l’été les usines de production de biens non essentiels tout en donnant congé (payé) aux travailleurs.
Rien ne nous empêche de décréter non pas une journée sans achat — l’envers du traditionnel Boxing Day d’après Noël — mais une saison sans achat, outre les produits de base et de première nécessité.
Décréter un tel « congé GES » à l’échelle planétaire nous permettrait de réduire nos émissions d’un coup, de façon profonde, jusqu’à ce que de nouvelles technologies se déploient et que nos modes de vie évoluent. En cas de crise, ne sommes-nous pas justifiés de prendre des mesures conséquentes ?
Nous venons d’en vivre un exemple patent. La crise sanitaire mondiale et son cortège de mesures de restrictions de l’économie, des déplacements et des activités — des mesures tout à fait inconcevables jusqu’alors – ont servi d’exemples probants à l’adage « à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles ».
Les gouvernements ont mis nos économies sur pause pendant des mois. Nos sociétés ne se sont pas écroulées pour autant. Dans plusieurs cas, comme au Canada, on a aussi compris que nous pouvions redistribuer la richesse collective autrement, pour atténuer les chocs sur les plus vulnérables. Et somme toute en s’en tirant pas trop mal.
L’idée de nous donner, collectivement, congé de GES, pourrait, si on fait bien les choses, nous permettre de décélérer et de renouer avec l’essentiel, surtout en cette période où l’on peut recommencer lentement à retisser nos liens sociaux au sortir de l’éprouvante épreuve de confinement à laquelle nous nous sommes astreints au cours des 18 derniers mois.
Réduire nos émissions à partir de maintenant, et de beaucoup, comme nous y sommes contraints aujourd’hui, est tout à fait à portée de main. Nous nous sommes tout simplement convaincus, à tort, que c’était impossible.