Le Canada est-il vraiment inclusif?

Le Canada encourage le prosélytisme religieux en accordant le statut d’organisme de bienfaisance aux organisations vouées à la promotion de la religion, estime l'autrice.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Le Canada encourage le prosélytisme religieux en accordant le statut d’organisme de bienfaisance aux organisations vouées à la promotion de la religion, estime l'autrice.

L’inclusivité et le respect de la diversité feront sans doute partie des sujets de la campagne électorale fédérale à venir. Les différents partis soulèveront vraisemblablement les défis de la population autochtone, qui vit, encore de nos jours, sous la tutelle du gouvernement fédéral en vertu de la Loi sur les Indiens.

Un autre groupe de citoyens, les non-croyants, mériterait également que l’on s’intéresse aux mesures institutionnelles le discriminant. Dans le cas de ces derniers, leur « exclusion » de la société canadienne est inscrite dans la Constitution. En effet, la Loi constitutionnelle de 1982 indique, dès le départ : « Attendu que le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit […] ». Le texte est clair, le Canada ne prend pas en considération les non-croyants.

Ensuite, le Canada encourage le prosélytisme religieux en accordant le statut d’organisme de bienfaisance (OBE) aux organisations vouées à la promotion de la religion — la religion est considérée comme une activité de bienfaisance. Nul besoin pour elles d’offrir un bénéfice tangible aux Canadiens, comme c’est le cas pour les autres organisations obtenant ce statut.

Une « puissance supérieure »

C’est croire en une « puissance supérieure et invisible, comme Dieu, un être ou une entité suprême », qui en est le critère. Les organisations religieuses doivent donc uniquement démontrer qu’elles prêchent la religion, entretiennent un lieu de culte, offrent des services liés à leurs dogmes et doctrines, ou financent des missions afin de propager leur religion pour être reconnues.

Rappelons que le statut d’OBE représente un avantage financier important pour les organisations religieuses, car il leur permet d’être exemptées d’impôt, de remettre des reçus pour dons de bienfaisance, de se faire rembourser une partie des taxes à la consommation (TVQ et TPS), en plus de permettre aux membres du clergé de déduire des allocations de logement. Ces crédits gouvernementaux au prosélytisme religieux semblent contradictoires avec la neutralité de l’État et la liberté de conscience des citoyens, protégée par nos chartes.

Ils freinent également la participation pleine et entière des non-croyants à la société canadienne en offrant des avantages indus aux croyants et en privant ainsi les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux de revenus servant à financer des services pour tous. Le Canada n’est ni neutre ni inclusif. Il favorise clairement les croyants au détriment des non-croyants. Le Canada ne respecte donc pas sa diversité.

Enfin, le Code criminel canadien accorde une préséance à la liberté d’expression religieuse sur les droits fondamentaux des non-croyants. En effet, en 2004, le premier ministre libéral Paul Martin modifiait l’alinéa 319 (3) b) du Code criminel concernant la propagande haineuse pour offrir une protection au discours religieux portant préjudice à un groupe identifiable, lorsque prononcé de bonne foi. Or, plusieurs religions dénigrent et prônent la haine contre les incroyants (y compris les apostats), les femmes, les homosexuels ou certains groupes ethniques ou raciaux.

Pour un État neutre

 

Le Code criminel canadien ne protège donc pas les non-croyants contre les propos haineux basés sur des textes religieux. Une pétition a été déposée à la Chambre des communes demandant l’abrogation de cet article, mais sans succès.

Au Canada, les non-croyants ne jouissent pas des mêmes droits que les croyants, en dépit du principe d’égalité entre tous les citoyens prévu par nos chartes ; ceux qui reconnaissent la « suprématie de Dieu » ont un avantage.

Le Canada se targue d’être un État neutre, inclusif et respectueux de tous. Force est de constater que sa Constitution, ses mesures fiscales et son Code criminel sont en porte-à-faux avec cette prétention. Le traitement préférentiel des religions par l’État canadien n’a pas sa raison d’être et ostracise les non-croyants.

Rappelons que ces derniers représentaient déjà 23,9 % de la population il y a dix ans et qu’on les retrouve autant dans les populations nées au Canada (24,8 %) ou immigrantes (20,1 %) que parmi les résidents non permanents (27,9 %).

Devant la diversité religieuse et de conscience de sa population, l’État canadien se doit d’être neutre pour respecter tous ses citoyens. Ses mesures étatiques ne doivent pas privilégier un groupe au détriment d’un autre.

Espérons que des correctifs seront proposés, par les différents partis, lors des élections fédérales à venir. Des changements sont requis pour que le Canada devienne ce qu’il prétend être, vraiment inclusif.

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