Le TGF s’avère une erreur historique

«Le temps gagné par le TGF est minime sur les distances comme Montréal-Québec et Montréal-Toronto (moins de 30 minutes)», écrit l'auteur.
Photo: Adrian Wyld La Presse canadienne «Le temps gagné par le TGF est minime sur les distances comme Montréal-Québec et Montréal-Toronto (moins de 30 minutes)», écrit l'auteur.

Ce texte est une réponse à l’opinion de Jean-François Léonard, publiée le 16 juillet dernier et intitulée « Le TGV Montréal-Toronto, la grande illusion »

Jean Drapeau, un « grand visionnaire mais un piètre gestionnaire », écrit M. Léonard. Il lui reconnaît, je crois, mais sans citer ses réalisations, la paternité du métro en 1961, l’Expo universelle en 1967, les Jeux olympiques de 1976.

Comme tout bon gestionnaire, Drapeau savait s’entourer de personnes compétentes, comme Lucien Saulnier, président du Comité exécutif de la Ville pendant de nombreuses années. Malheureusement, Lucien Saulnier quitte la Ville en 1973, au moment où s’amorcent les travaux pour la tenue des Jeux olympiques de 1976, qui ont laissé un trou financier important. […]

Du premier au troisième rang

 

Si on avait écouté, lors de la construction de Mirabel, le visionnaire Drapeau, cet éléphant blanc qu’est devenu l’aéroport serait aujourd’hui un hub de choix.

Mais le non-parachèvement de la 50, l’absence de lien rapide avec le centre-ville et la non-fermeture de Dorval ont fait en sorte que Montréal est passée du 1er au 3 rang au Canada, en ce qui concerne les aéroports ! […]

Bref, on doit à Drapeau de nous avoir sortis de notre isolement, d’avoir mis Montréal « sur la map ».

Devant l’urgence climatique, le TGV apparaît comme le seul moyen de transport susceptible de modifier le comportement des voyageurs (surtout d’affaires) dans le corridor envisagé. C’est le « gamechanger » qui va faciliter le transfert d’une partie des 90 millions d’usagers de véhicules, en grande majorité des automobilistes, dont 24 millions pour la partie québécoise !

S’ajoutent à cela quelque 3,5 millions de passagers aériens, 4 millions d’usagers de l’autocar et les usagers actuels de VIA Rail ! Le TGV roule à l’électricité alors que le TGF proposé est bimodal, fonctionnant à l’électricité en grande partie, mais aussi au diesel, produisant donc du CO2 !

Quoi qu’il en soit, le transfert modal de la route et de l’air vers le train conduit à une réduction des GES. Contrairement à ce qu’affirment M. Léonard et le ministre Champagne pour écarter le TGV, la population vivant dans le corridor est plus que suffisante. Il s’agit du troisième bassin en importance en Amérique du Nord, avec 20 millions de personnes !

Le temps gagné par le TGF est minime sur les distances comme Montréal-Québec et Montréal-Toronto (moins de 30 minutes). Est-ce qu’on avance ou bien « on recule », comme l’écrivait Bertrand Dion dans Le Devoir du 10 juillet ? M. Dion écrit : « En 1975, le parcours annoncé par le Rapido Montréal-Québec était de 2 h 59 et en 1997, de 2 h 45. » Le 6 juillet 2021, le ministre Alghabra annonçait, à Québec, un trajet de trois heures pour le TGF en 2030 !

Le TGV est plus fiable sous nos conditions climatiques que l’avion et l’auto. La Suède, la Corée du Sud, la Russie (Moscou et Saint-Pétersbourg) témoignent de la sécurité d’un train à très grande vitesse en toutes saisons.

L’exemple de l’Hyperloop d’Elon Musk utilisé par M. Léonard pour ridiculiser le TGV est encore une utopie. La durée est le facteur clé qui décide de tout. En 2010, le président de SNCF International, Jean-Pierre Loubinoux, déclarait ceci : « Le temps est au cœur de tout […] plus le gain de temps est important, plus l’impact sera fort sur la fréquentation et sur la rentabilité. »

Et il ajoutait : « Les villes qui ont fait le choix du TGV ont fait un saut économique extraordinaire (Nantes par exemple). »

Une étude exhaustive publiée en 2011, réalisée conjointement par les gouvernements de l’Ontario, du Québec et du Canada, concluait en faveur d’un TGV Québec-Windsor. On précisait que plus de 11 millions de voyageurs dans le corridor délaisseraient l’auto (16 %), l’avion (40 %) et l’autocar (32 %) pour le train à très grande vitesse !

Cette donne s’est vérifiée sur les lignes Paris-Bruxelles et Paris-Lyon, où le TGV a remplacé l’avion ! Aujourd’hui, le potentiel de transfert est encore plus fort, étant donné les préoccupations environnementales. Selon certains chroniqueurs et ministres de l’époque, l’Ontario et le Québec étaient prêts à aller de l’avant.

Retombées ou dépense?

 

Malheureusement, le fédéral aurait retraité à la suite de pressions de la part de lobbyistes ! L’histoire semble se répéter en 2021, selon l’éditorial de Robert Dutrisac « L’insoutenable légèreté », du 15 juillet dernier.

Cette étude évoquait certains atouts du corridor Québec-Windsor : un terrain relativement favorable avec une topographie avantageuse, où les courbes en profil ne constituent pas une difficulté puisque la ligne se situe pour l’essentiel dans la vallée du Saint-Laurent et dans la plaine des Grands-Lacs, où il n’y a pas de montagnes et peu de hautes collines ; la disponibilité d’emprises ferroviaires dans les grandes villes, qui expliquent en grande partie que les coûts estimatifs du train à très grande vitesse s’inscrivent parmi les plus faibles des 24 projets examinés par l’étude.

Les retombées des investissements, entre 20 et 24 milliards de dollars pour un TGV, valent mieux qu’une dépense de 6 à 12 milliards annoncée pour un TGF comportant une marge d’erreur pharaonique.

Nonobstant certains défis liés aux territoires différents, je préfère me fier au budget alloué par la SNCF pour les deux futurs TGV sur Paris-Toulouse (588 km, 8 milliards d’euros) et Toulouse-Bordeaux (245 km, 4,1 milliards d’euros), pour un total de 12,1 milliards d’euros, soit environ 18 milliards de dollars canadiens.

Son expérience combinée à celle d’Alstom vaut bien la nôtre dans la construction de TGV !

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