Une maladie neurologique similaire à la COVID longue

Lettre envoyée au ministre de la Santé et des Services sociaux.
Le 6 mai, vous annonciez une offre de service visant le rétablissement et la réadaptation optimale des personnes souffrant de ce qu’on appelle communément la COVID longue — une initiative du CISSS de Montérégie-Ouest (CISSSMO) et d’une équipe de recherche en réadaptation de l’Université de Sherbrooke.
Cette annonce réjouissante est également troublante et choquante. Alors que la pandémie vous laisse un peu de répit, permettez-nous d’attirer votre attention là-dessus, car la vie de dizaines de milliers de personnes est en cause.
Profondément réjouissante, la création d’un tel service exportable en région et approprié au problème de santé complexe et potentiellement invalidant qu’est le syndrome post-COVID. […]
Troublante, cette annonce, cependant, quand on sait qu’une offre de service similaire serait tout aussi valable […] pour une maladie présentant des similitudes frappantes avec un type de cas de COVID longue : l’encéphalomyélite myalgique/syndrome de fatigue chronique (EM/SFC), maladie neurologique reconnue par l’OMS depuis 1969, mais encore victime de méconnaissance et de scepticisme.
Dans un rapport de 2010 […], l’INESSS confirme que l’EM/SFC inflige des souffrances physiques et psychiques considérables à la personne atteinte et à ses proches et peut nuire à son fonctionnement dans toutes ses sphères d’activité, jusqu’à rendre 20 % des malades handicapés à vie.
Selon les données de 2017 de Statistique Canada, 560 000 personnes ont reçu un diagnostic de SFC ou d’EM — donc plus de cas que de sclérose en plaques, d’épilepsie et de Parkinson réunis. Avec une telle prévalence canadienne, plus de 120 000 personnes seraient atteintes au Québec […].
En 2010, l’INESSS recommandait d’offrir de la formation continue et de désigner au moins un centre d’expertise pour former des équipes interdisciplinaires pouvant contribuer au diagnostic, à la prise en charge thérapeutique et à la recherche.
De 2010 à 2020, on ne voit pas de suites à ces recommandations, sans savoir pourquoi il n’y en a pas, en souffrant d’une maladie pratiquement invisible, difficile à faire diagnostiquer et à faire reconnaître comme invalidante. Déprimant !
Puis, survient la COVID-19. Comme 75 % des cas d’EM/SFC résultent d’une infection, une flambée va probablement se produire dans la foulée de la pandémie. Malheureuse, cette pandémie. Mais ça devrait nous aider en attirant l’attention sur l’EM/SFC. Et, vice versa, ce qu’on sait de l’EM/SFC pourrait éclairer celles et ceux qui interviendront auprès des personnes souffrant d’un certain type de post-COVID et, donc, aider celles-ci.
Dommage que cette aide mutuelle tant espérée semble se concrétiser dans le deuxième sens beaucoup plus que dans le premier.
En effet, l’offre de services du CISSSMO tient compte de ce qu’on sait de l’EM/SFC, concernant notamment le « malaise post-effort » — cette réaction disproportionnée, en intensité et en durée, qui survient immédiatement ou en différé après un effort physique ou mental même léger —, et nous osons espérer qu’il en sera de même pour d’autres initiatives quant à la COVID longue.
Pourtant, l’EM/SFC demeure invisible, ou presque, dans la documentation du CISSSMO, tout comme dans la quasi-totalité des sources d’information scientifiques ou médiatiques sur la COVID longue. […]
L’Histoire bégaie ! On a dit poliomyélite atypique, mononucléose longue, etc., comme on dit COVID longue, en pensant que c’est une totale nouveauté. Pour chaque flambée d’EM/SFC, on s’attarde à l’agent infectieux déclencheur plus qu’aux similitudes avec des flambées précédentes.
Respecter son enveloppe énergétique, comme le prescrit le CISSSMO dans les cas de COVID longue, est un conseil crucial qui doit être transmis à toute personne souffrant de malaise post-effort et pris en compte par tout organisme offrant des services de santé ou statuant sur l’invalidité.
Tenir correctement compte du malaise post-effort augmente les chances de se rétablir. Ne pas le faire accroît considérablement le risque de compter parmi les 20 % de malades demeurant handicapés à vie.
Développer une COVID longue de type EM/SFC, c’est assurément malchanceux. Toutefois, les personnes qui auront accès au service post-COVID du CISSSMO (là ou ailleurs) seront chanceuses dans leur malchance. Mais, si la mononucléose ou autre chose est à la source de l’EM/SFC qui chamboule ta vie, et celle de tes proches, depuis des mois ou des années, débrouille-toi ! C’est inéquitable et choquant.
[…] Plus de 120 000 personnes malades, souvent exclues du marché du travail ou des études, dont 20 % pourraient demeurer handicapées à vie, ça mérite autant d’attention que la COVID longue, ne croyez-vous pas ? Alors, quand pourrons-nous bénéficier, nous aussi, de soins et de services adéquats tel que le prévoit la Loi sur les services de santé et les services sociaux ? Bientôt, nous l’espérons.
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