Des luttes LGBTQ+ s’organisent dans plusieurs pays africains
![En février seulement, 3 membres de la communauté LGBTQ+ ont été tués et au moins 27 ont été arrêtés sous différents prétextes de sexualité déviante [au Cameroun].](https://media1.ledevoir.com/images_galerie/nwd_917931_732954/image.jpg)
La campagne #ReleaseThe21, qui a pris d’assaut les médias sociaux depuis une semaine, demande au gouvernement du Ghana de libérer les 21 personnes arrêtées et emprisonnées alors qu’elles assistaient à une conférence pour personnes LGBTQ+.
La raison de leur arrestation était la « promotion d’activités LGBTQ+ », selon un porte-parole de la police locale. Cela s’est toutefois transformé en accusation « d’assemblée illégale » lors de leur passage en cour de justice. Il est à noter que les relations entre personnes de même sexe sont condamnées par le Code pénal du Ghana et peuvent mener jusqu’à 25 ans de prison.
La conférence stoppée par la police donnait notamment des ateliers en paralégalité pour aider la communauté à prévenir la discrimination. Alex Kofi Donkor, qui dirige un centre d’aide pour LGBTQ+ à Accra, a expliqué aux médias que les membres de la communauté doivent apprendre à mieux se protéger pour faire face aux différentes violations des droits de la personne. Malheureusement, la police a aussi récemment fermé son centre.
Les violences contre des personnes LGBTQ+ sont aussi critiquées au Bénin, où l’agression violente de trois femmes transgenres à Cotonou a fait monter la grogne de la communauté LGBTQ+ dans le pays. Ces luttes sont multiples et de plus en plus écoutées, alors que l’homosexualité est condamnée par la loi dans plus de 30 pays africains.
Cameroun
Au Cameroun, deux militantes transgenres, incluant la vedette de YouTube Shakiro, ont été condamnées à cinq ans de prison au début du mois de mai pour « tentative d’homosexualité » et pour avoir « contrevenu à la décence publique » alors qu’elles dînaient tranquillement. Emprisonnée depuis février dernier, Shakiro expliquait sur les médias sociaux les problèmes auxquels fait face la communauté LGBTQ+ au Cameroun.
Les lois anti-homosexualité ont d’ailleurs été renforcées dans le pays en 2016, interdisant plus explicitement les relations entre personnes de même sexe. En février seulement, 3 membres de la communauté LGBTQ+ ont été tués et au moins 27 ont été arrêtés sous différents prétextes de sexualité déviante.
Alice Nkom, l’avocate de Shakiro et présidente de l’Association pour la défense des droits des homosexuels au Cameroun, a elle-même été agressée physiquement à plusieurs reprises pour sa défense des droits de la communauté LGBTQ+. En entrevue à France 24, elle affirmait toutefois qu’à 76 ans, elle n’allait pas arrêter de se battre : « Cela me donne envie de redoubler d’efforts et de chercher de nouvelles stratégies. Les gens doivent accepter la diversité ».
Ouganda
Au début du mois de mai, des activistes ougandais dénonçaient l’adoption du Sexual Offenses Bill. Le projet de loi, qui doit encore être approuvé par le président Yoweri Museveni, permet notamment à des femmes et des hommes de retirer leur consentement après l’avoir donné, et protège contre des agressions sexuelles à l’intérieur du mariage.
Toutefois, il contient aussi une clause condamnant jusqu’à cinq ans de prison les personnes reconnues coupables d’actes sexuels entre personnes de même sexe. Selon les militants du pays, il s’agit d’une manière détournée de ramener le projet de loi anti-homosexualité qui avait été proposé en 2013, mais finalement discrédité par la Cour suprême en raison de formalités juridiques.
Après la disparition de ce projet de loi en 2013, des militants LGBTQ+ ont continué de subir des vagues d’agressions. Un des exemples marquants est celui de Brian Wasswa, décédé en octobre 2019 après une attaque violente à son propre domicile. Frank Mugisha, qui dirige l’organisation Sexual Minorities Uganda, promet de contester la nouvelle loi en cour, car cette législation augmenterait encore plus les risques d’arrestations arbitraires, d’extorsion et de crimes haineux envers cette communauté dans le pays.
Luttes complexes
Les mouvements anti-LGBTQ+ regroupent aussi beaucoup d’adeptes. Récemment, au Sénégal, s’est tenu un rassemblement anti-homosexualité de plusieurs centaines de personnes. Ce mouvement se mobilise pour un durcissement de la législation dans le pays, qui ferait passer les peines de 5 à 10 ans de prison pour les personnes reconnues coupables de relations homosexuelles. Actuellement, plusieurs personnes issues des minorités sexuelles du Sénégal ont dû quitter le pays pour se réfugier dans les pays voisins et celles qui sont restées se cachent et essayent de voir comment elles pourraient obtenir le statut de réfugiés auprès d’ambassades et d’organisations de défense des droits de la personne.
Pourtant, l’anti-homosexualité n’est pas l’apanage des sociétés africaines, même celles mentionnées dans ce court article. Le musicien ghanéen Wanlov the Kubolor et l’Ougandaise experte en sexualité Kaz dénoncent le fait que les premières lois anti-homosexualité ont été établies par les autorités coloniales dans leur pays. Dans une vidéo sur l’homophobie, Kaz explique qu’avant la colonisation, l’homosexualité était beaucoup mieux acceptée en Afrique. Au Bénin, une relation avec une personne de même sexe pouvait être considérée comme un rite de passage pour les garçons, et dans certaines cultures, comme au Kenya et dans la civilisation bantoue, le mariage entre personnes de même sexe était accepté et réglementé par des pratiques comme la dot, tout comme les mariages hétérosexuels. Les tendances anti-homosexualité se sont renforcées depuis la colonisation, jusqu’à être défendues par certains chefs d’État.
Pendant ce temps, les mobilisations continuent un peu partout sur le continent et des campagnes de sociofinancement émergent pour payer les frais d’avocat et les coûts de libération conditionnelle des différents activistes emprisonnés.