Le temps est venu pour la parité

Le temps est venu de formaliser ce qui apparaît comme la voie du bien commun: que les hommes et les femmes partagent dorénavant le gouvernement de notre société, font valoir les autrices.
Photo: Jacques Boissinot La Presse canadienne Le temps est venu de formaliser ce qui apparaît comme la voie du bien commun: que les hommes et les femmes partagent dorénavant le gouvernement de notre société, font valoir les autrices.

Lettre à la ministre Sonia Lebel.

Nous sommes d’anciennes parlementaires et c’est avec fierté que nous avons été des femmes en politique. Nous connaissons les défis et les joies de ce métier, mais nous en savons aussi les embûches, les contraintes et les défis particuliers pour les femmes. Nous sommes conscientes que l’enceinte des parlements a été façonnée par des siècles d’une culture masculine qui n’est pas d’emblée attractive pour la moitié de l’humanité.

C’est pourquoi nous avons créé en 2016 le Comité des femmes du Cercle des ex-parlementaires, dont la mission première est d’inscrire la parité dans une loi, afin que siègent une fois pour toutes autant d’hommes que de femmes sur les banquettes de l’Assemblée nationale du Québec. Certaines saisons, les astres s’alignent pour paver la voie au progrès. Encore faut-il saisir l’occasion, car même si le contexte est favorable, rien ne se fait tout seul, sans le concours de celles et ceux qui exercent le pouvoir, sans leur détermination, voire leur audace. Voici donc que s’offre à nous une chance unique d’introduire dans les règles qui encadrent nos élections l’obligation d’atteindre la parité, bien des États l’ont fait avant nous. Ce ne serait donc pas une première.

Chez nous, même si de nombreux groupes font pression depuis des années pour introduire des mesures contraignantes dans la loi électorale, nous n’avons pas encore franchi le pas. Des obstacles de toute nature nous en ont empêchés, souvent liés à des idées préconçues. Celle qui veut par exemple que le mérite seul doive l’emporter, oubliant que la configuration actuelle de parlements à prédominance masculine est le fruit d’une histoire, de traditions, d’un système. Celle qui laisse croire aussi que le temps finira bien par arranger les choses, à preuve les avancées des dernières décennies, oubliant que les reculs sont toujours possibles et les acquis, toujours fragiles.

Nous avons encore à l’esprit la perte de 5,6 % de femmes élues en 2014 par rapport à 2012 ! C’est d’ailleurs pourquoi nous avons présenté un mémoire en février 2020 lors des auditions publiques du projet de loi 39 sur la Réforme du mode de scrutin. Nous affirmions « qu’une loi sur la parité enverrait un signal clair de la société québécoise en ce qui concerne la présence des femmes à l’Assemblée nationale.

Plus qu’un souhait, un objectif louable, voire un progrès, on y verrait l’expression d’une volonté ferme, appuyée par des moyens concrets. Et surtout, on passerait d’une approche laissant aux personnes et aux partis le soin de faire progresser la parité au gré de leur volonté à une obligation juridique infléchissant leur action ».

Chaque époque porte ses rêves et ses ambitions. Or, la parité est dans l’air de notre temps. On peut même parler d’un consensus, car elle rallie une large majorité de la population. Le temps est venu de formaliser ce qui apparaît comme la voie du bien commun : que les hommes et les femmes partagent dorénavant le gouvernement de notre société. Il faut donc ajuster les règles du jeu en conséquence et les graver dans une loi, afin qu’elles ne soient pas soumises au bon vouloir des partis et des gouvernements ou aux aléas des changements de la garde.

Franchir une étape de plus

 

Madame la ministre, nous vous avons entendue en commission parlementaire. Déjà, certains articles de votre projet de loi abordaient la parité et évoquaient des cibles à atteindre, et vous avez manifesté de l’ouverture lors des échanges pour les bonifier. Vous avez réitéré votre intention lors de l’adoption de principe du projet de loi. Il faut aujourd’hui franchir une étape de plus. Donner du tonus à ces articles, entre autres en y ajoutant des mesures contraignantes, et les introduire dans une loi à part, indépendamment de la Réforme du mode de scrutin.

Le premier ministre François Legault, vous-même et l’Assemblée nationale avez en main de quoi vous inscrire dans l’histoire, dans la lignée des progrès des dernières décennies en matière de droits des femmes. Vous pouvez compter sur une large adhésion de la population. Nous vous demandons de passer à l’action. Maintenant.

 

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