Quel droit, quelle justice, pour quelle société?

De quelles lois et de quelle justice avons-nous besoin aujourd’hui ? Et qu’en sera-t-il demain ? Les citoyens peuvent-ils contribuer plus directement à la définition des lois ? La tenue de la Grande Assemblée le 19 mars dernier, organisée par l’Institut québécois de réforme du droit et de la justice, posait directement ces questions. De la quinzaine de résolutions adoptées alors émerge une image nouvelle des besoins contemporains en matière de droit et de justice.
Il est clairement ressorti de ces délibérations que le droit ne peut plus être simplement défini comme un savoir réservé aux juristes. Il doit au contraire constituer une compétence commune, une ressource mobilisable par chacun de nous. Le développement d’une nouvelle culture juridique est nécessaire à notre citoyenneté.
Les recommandations adoptées lors de la Grande Assemblée proposent ainsi qu’on favorise chez les citoyens le développement de véritables compétences juridiques. Les recommandations retenues à cette fin visent l’amélioration des modes de diffusion de l’information juridique et la valorisation du rôle des intermédiaires du droit dans la transmission de cette information, qu’ils soient juristes ou issus d’autres professions (infirmières, travailleurs sociaux, etc.).
Les participants à la Grande Assemblée ont encouragé le développement d’une approche interdisciplinaire des problèmes juridiques rencontrés par les citoyens et par les citoyennes.
Comment les citoyens peuvent-ils concourir eux-mêmes à la définition de la législation ? C’est l’orientation adoptée lors de la Grande Assemblée. Sa seule tenue a d’ailleurs largement démontré que cette participation était possible. On doit d’abord dresser un bilan des différentes formes que peuvent emprunter ces diverses formes de consultation dont on trouve des exemples en Suisse, en France, aux États-Unis et ailleurs. Il faut concerter les organismes dont c’est déjà la mission et établir des mécanismes transparents. Le récent sondage de l’Institut révèle lui-même un très fort appui à l’idée que les citoyens peuvent contribuer à définir les lois (95 %), à les proposer (84 %), à les adopter (77 %) et à les évaluer (75 %).
Cette réappropriation suppose que la loi soit plus compréhensible. Aussi, la Grande Assemblée a-t-elle suggéré que les rédacteurs des lois soient plus soucieux de la qualité de la communication juridique. Que les objectifs poursuivis par la législation soient mieux exposés et que la loi et la réglementation soient écrites dans des termes accessibles à un large public. Que les lois soient accompagnées de documents explicatifs simples, que leur contenu soit ordonné d’une façon qui les rende compréhensibles. Un projet pilote, visant à réécrire une loi de portée générale dans des termes clairs, pourrait bien démontrer que la chose est possible.
Avons-nous besoin de lois nouvelles ? Les participants à la Grande Assemblée ont pour leur part proposé que les prochaines lois visent en priorité la protection de l’environnement et l’autonomie alimentaire. Ils ont demandé la reconnaissance du caractère contraignant des droits économiques, sociaux et culturels établis sur le plan international.
Ils ont insisté pour que les lois adoptées par le pouvoir législatif connaissent une application effective, et que des mécanismes de suivi permettent de nous assurer de leur mise en œuvre, à l’abri des intérêts économiques et sociaux qui ont parfois avantage à en différer l’application. La diversification du rôle joué par les juristes au sein des cliniques juridiques et des organismes sans but lucratif pourrait contribuer à réduire les inégalités d’accès au droit et à la justice. Le sondage réalisé par l’IQRDJ révélait d’ailleurs que 87 % des citoyens consulteraient régulièrement ces cliniques de quartier, si elles existaient.
En matière d’accès à la justice, la Grande Assemblée a d’abord voulu reconnaître que des innovations avaient lentement émergé au sein du système de justice et qu’un bilan de ces pratiques était aujourd’hui nécessaire, notamment en matière de justice alternative. Ainsi, dans le cadre du sondage mené par l’Institut, seulement 3 % des citoyens disaient espérer voir leurs différends pris en charge dans le cadre d’un procès. 53 % souhaitaient pouvoir au contraire compter sur le service d’un médiateur. La Grande Assemblée a convenu que les services juridiques et professionnels devaient répondre aux besoins les plus courants des citoyens et que leur coût soit proportionné aux exigences réelles de la situation. Une telle transition profiterait d’une coordination plus soutenue entre les organismes et les institutions œuvrant dans le monde juridique.
Ces propositions convergent vers l’idée que la justice devrait être conçue à l’avenir comme un véritable service essentiel. Que les lois soient orientées en fonction des nécessités les plus concrètes des individus. Qu’au sein de notre société, le droit soit finalement défini en tant que bien commun ; qu’il constitue l’outil d’une citoyenneté repensée.