Et si le REM de l’Est était un bon projet?

En mai 2019, le gouvernement a donné à CDPQ Infra le mandat d’étudier des scénarios de transport collectif vers le nord, le sud et l’est de la région métropolitaine. Dans un monde idéal, la planification des transports dans la région de Montréal se ferait, comme à Vancouver avec TransLink, sous l’égide d’une Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) disposant du pouvoir et des budgets nécessaires. Mais pour le REM de l’Est, ce monde idéal s’est évaporé il y aura bientôt deux ans. Il faut en prendre acte. Nous ne sommes plus en mai 2019 pour revoir la répartition des rôles.
Aujourd’hui, nous voici avec, sur la table, un projet de transport collectif structurant qui nourrit tant les attentes que les débats.
La métropole souffre depuis des décennies d’un déficit d’investissement en transport collectif. Chaque année, 22 000 nouveaux ménages s’installent dans la région en fonction de l’offre de transport existante. Des entreprises font des choix de localisation guidés par ce vide. Faute d’une option attractive de transport collectif, c’est la culture de la voiture et celle de l’autoroutequi se renforcent, chaque jour qui passe, sans qu’un projet se réalise. Le compteur ne s’arrête pas de tourner, ni le tissu urbain de s’étaler, pendant que nous débattons de gouvernance.
Le projet de REM de l’Est pose évidemment un dilemme. Mais pour bien l’étudier, il faut accepter le fait qu’on ne part pas d’une page blanche. Ce projet, qui a deux ans de travail derrière lui, mérite qu’on l’analyse sérieusement sur la base d’informations détaillées. D’autant plus qu’il a de réelles qualités.
Le principal défaut du projet, c’est assurément sa structure aérienne, qui le rend plus difficile à intégrer harmonieusement dans un milieu urbain. Sa hauteur peut écraser le cadre bâti qui l’entoure. Dans un milieu dense comme le centre-ville de Montréal, implanter une telle infrastructure sans trop compromettre la qualité de vie locale est un véritable défi. Le défi sera peut-être plus grand encore dans les milieux moins denses, comme la rue Sherbrooke dans l’est de la ville.
Contrairement au REM de l’Ouest, ce projet-ci passe à travers des milieux de vie, et c’est à juste titre qu’on s’inquiète de l’implantation de sa structure dans ce paysage urbain. Toutefois, c’est précisément cette insertion urbaine qui en fait une proposition de qualité qu’on ne peut rejeter à la légère — ce qui n’implique pas de l’approuver les yeux fermés.
Le projet de REM de l’Est présente de nombreuses qualités. Ce n’est pas un train de banlieue avec une fonction de rabattement, mais un véritable métro léger accessible, à distance de marche, pour des dizaines de milliers de personnes. Il desservira des secteurs longtemps négligés. Il constitue le grand rattrapage dont a besoin l’est de Mont-réal, où la desserte de transport collectif est actuellement très insuffisante, au regard de la densité de personnes et d’activités.
Le projet dessert aussi de nombreux terrains actuellement sous-utilisés. Prioriser leur requalification plutôt que de poursuivre l’étalement urbain dans la région métropolitaine est un choix de développement durable, comme l’a d’ailleurs souligné le premier ministre. Enfin, alors qu’on s’inquiète de la vitalité du centre-ville au sortir de la crise pandémique, quel signal public et symbolique fort que de projeter d’y ajouter une nouvelle ligne de métro !
Parce que le projet passe au travers de milieux de vie, la Ville de Montréal et les citoyens doivent être plus et véritablement impliqués dans la réflexion. Le projet de REM doit constituer un levier pour revoir l’aménagement de l’ensemble de l’espace public à ses abords. Il faut faire de cette question, dès le premier jour, un élément central de la conception du projet, et y consacrer les ressources nécessaires.
Il n’est pas question, ici, de conférer à CDPQ Infra le monopole des projets structurants de transport collectif dans la région métropolitaine. Des projets comme la ligne rose vers Lachine, le prolongement de la ligne bleue vers Anjou, celui de la ligne orange et de nombreux autres projets planifiés en concertation avec l’ARTM doivent continuer d’avancer. Répétons-le, après desannées de sous-investissement, les besoins sont immenses.
Je ne sais pas encore si le REM de l’Est est un projet assez bon pour qu’il se réalise. Mais je sais que ses caractéristiques fondamentales sont assez bonnes pour qu’il mérite qu’on se donne l’espace mental nécessaire, collectivement, pour y réfléchir, tenter de l’améliorer et décider de son devenir.
Les différentes branches du REM prévues et à l’étude vont assurément modifier l’ADN de Montréal et de sa région, ce qui suscite des craintes et des questions légitimes. Mais soyons conscients qu’actuellement, au-delà de quelques arrondissements centraux, l’ADN de la région de Montréal exprime surtout une forte dépendance à la voiture. Pour que cela change, il faut investir massivement dans le transport collectif.
Le rattrapage à faire est colossal. Le premier ministre du Québec et la mairesse de Montréal ont annoncé ensemble un projet d’une valeur de dix milliards de dollars. La sagesse commande de ne pas le rejeter sans lui donner une véritable chance.