L’autre confinement

La grande marche pour le climat du 15 mars 2019
Photo: Guillaume Levasseur archives Le Devoir La grande marche pour le climat du 15 mars 2019

Alors que tous les signaux environnementaux sont en rouge, que les rapports scientifiques s’accumulent sur l’ampleur du bouleversement climatique et de la chute dramatique de la biodiversité, alors que les pires scénarios se réalisent littéralement sous nos yeux, notre pensée collective continue de s’enfermer dangereusement dans le déni et dans l’indifférence quant aux décisions à prendre immédiatement devant la catastrophe. Partout, c’est le souhait angoissant d’un retour à l’anormal, au tourisme tout inclus, à une relance économique basée sur la production et à un discours relevant d’un verdissement de la pensée, digne d’un monde orwellien. Pourtant, l’heure est au déconfinement de la pensée.

De bouleversement du climat, nous sommes rendus, en l’espace de deux décennies, à la catastrophe climatique en passant par l’urgence climatique. Selon l’Organisation météorologique mondiale, l’année 2020 fut l’une des trois années les plus chaudes avec 2016 et 2019, propulsant la dernière décennie comme étant la plus chaude jamais enregistrée. Le 26 février dernier, ONU Climat rappelait que pour limiter l’augmentation de la température mondiale à 1,5 °C, nous devions réduire les émissions mondiales de 45 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2010.

Parallèlement, une étude du Fonds mondial pour la nature publiée en septembre dernier sonnait encore une fois l’alarme sur le déclin des oiseaux, des poissons, des mammifères, des amphibiens et des reptiles. La Plateforme intergouvernementale scientifique et politique des Nations unies sur la biodiversité et les services écosystémiques nous prévient que nous sommes entrés dans « l’ère des pandémies » et que si l’on poursuit le même type de politiques économiques qui provoquent le changement climatique, la déforestation, la destruction et la marchandisation de la biodiversité, nous irons de récessions en dépressions. Des pandémies plus fréquentes, plus mortelles et plus coûteuses sont à prévoir et l’impact économique actuel des pandémies est 100 fois supérieur au coût estimé de leur prévention.

À ce constat, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture y ajoute la surexploitation, voire l’épuisement de 30 % des espèces de poissons, sans compter les conséquences de l’acidification des océans, des déchets plastiques et autres substances nuisibles aux écosystèmes marins, à nos lacs et rivières.

Les incohérences des gouvernements font foi de l’aveuglement dramatique face à ces enjeux, et cela nous angoisse. Soulignons ici l’aide aux entreprises qui n’est aucunement liée à une obligation de transition écologique, le soutien à l’exploration pétrolière dans des aires protégées, le soutien à GNL Québec, le 3e lien à Québec, l’autorisation de développement du port de Montréal et le manque d’égard quant à la protection du territoire.

Transformation obligée

 

Les trop faibles engagements qui sont pris sont plus de l’ordre d’un discours trompeur qu’une volonté manifeste de s’attaquer aux causes réelles des problèmes alors que notre monde est dominé par la puissance des transnationales, la finance et la technologie. Nos élites, depuis 40 ans, ont refusé d’amorcer la transition. Il est trop tard maintenant pour cette voie. L’heure est à la transformation.

Un an après le début de notre mise en confinement physique, nous devrions avoir compris que le bien-être tient davantage à nos valeurs humaines et morales qu’à la somme des marchandises.

Constatons que le capitalisme prédateur, devenu nouvelle religion, qu’il soit d’État comme en Chine et en Russie ou non, est dépassé et nuisible. Les ressources sont limitées, il n’y a qu’une Terre et il n’existe aucun vaccin contre la cupidité et la course aux profits devenue le Dieu unique.

D’autres horizons s’offrent à nous, comme nous le proposent plusieurs groupes de la société civile, des philosophes, des sociologues, des économistes, etc. Il y a moyen de revoir notre conception du travail, d’envisager une sobriété heureuse pour arrêter l’exploitation barbare des peuples et des territoires, mettre fin aux inégalités par l’économie solidaire, par un revenu citoyen, des logements abordables et opter pour une agriculture respectueuse de l’environnement basée sur l’autonomie alimentaire. Aussi devons-nous revoir notre relation avec la dette publique et la monnaie, et, ne plus céder la démocratie à des représentants du commerce. En somme, faire de la protection de ce monde une priorité absolue.

Nous avons besoin d’une pensée critique qui malheureusement ne réussit pas encore à prendre sa place dans les médias, d’une démocratie nouvelle et participative alors que toutes les réformes des modes d’élections sont annulées et d’une transformation profonde de notre économie pour offrir un espoir d’avenir.

Point de salut sans un radical changement de modèle économique et social. La course est engagée. Engageons-nous !

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