John A. Macdonald, un grand démocrate?

Dans un souci de redorer le blason de sir John A. Macdonald, le Macdonald-Laurier Institute a publié un communiqué la semaine dernière signé par des historiens du reste du Canada, dont Patrice Dutil de l’Université Ryerson de Toronto, deux anciens chefs du Parti conservateur et d’anciens diplomates canadiens.
On savait Macdonald orangiste, anti-papiste, anti-Canadiens français, anti-métis, anti-Autochtones et alcoolique, mais voici que M. Dutil nous apprend qu’il était aussi et surtout « un grand démocrate ». Wilfrid Laurier et, surtout, Antoine-Aimé Dorion, ancien premier ministre libéral du Canada-Est à l’intérieur du Canada-Uni, ont dû se retourner, de surprise, dans leur tombe.
En effet, Laurier et Dorion se sont opposés au projet de Confédération en exigeant que des élections générales soient tenues sur la question du projet confédératif avant que ce dernier ne soit soumis au Colonial Office et au Parlement de Londres, ce à quoi Macdonald s’est opposé fort peu démocratiquement.
Ils ont aussi fait valoir que la Confédération aurait pour effet de noyer encore plus la population francophone dans une majorité anglophone conquérante. Ils ont souligné le recul démocratique que le projet confédératif constituerait en rendant non élu le Sénat, alors que les membres de la Chambre haute (appelée Conseil législatif) du Canada-Uni étaient élus.
Enfin, ils ont déploré que, dans le projet de Macdonald, le gouvernement canadien nommerait les juges, ce qui menaçait la survie de la tradition civiliste du Québec ainsi que la protection des juridictions du Québec éventuellement remises en question par le fédéral.
Dans la question du Manitoba, le respect des droits démocratiques des francophones (qui ont été majoritaires au Manitoba jusque vers 1875) a été le tout dernier souci de Macdonald, qui n’a jamais caché son aversion pour Riel et les Métis.
L’Acte du Manitoba de 1870 reconnaissait la dualité linguistique de la nouvelle province, mettant le français et l’anglais sur un pied d’égalité. Macdonald fit tout pour convaincre le Conseil privé de Londres de nier ces droits démocratiques et de déclarer inconstitutionnel le statut officiel accordé au français, ce que fit le Conseil privé en 1890.
À vrai dire, le principal trait qui résume la pensée de Macdonald n’est ni son racisme multiforme, ni son antipapisme, ni son supposé « démocratisme », mais bien son impérialisme britannique. En le représentant en conseiller impérial privé, sa statue de la Place du Canada à Montréal le décrit correctement.Macdonald n’est ni un Thomas Jefferson, ni un Benjamin Franklin, ni un Jean-Paul Marat. C’est plutôt un émule de Cecil John Rhodes et de Benjamin Disraeli.
Son objectif a toujours été de minoriser et d’assimiler peu à peu les francophones, de confiner les Autochtones dans des réserves et des pensionnats, et de « tuer le sauvage » en eux, de faire prévaloir, en tout, les intérêts de l’Empire britannique et de faire en sorte que « Rule Britannia forever ». Le faire passer pour un grand démocrate est une pure supercherie.
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