Le vain-vain-vain règlement pour une métropole mixte

Dans un premier temps, les gouvernements doivent mettre en place des limites sur l’augmentation des loyers entre deux baux, ils doivent limiter le nombre de logements pouvant posséder une seule entité et, surtout, ils doivent limiter la capacité des promoteurs à acheter et à revendre des logements dans un court laps de temps.
Photo: Marie-France Coallier Le Devoir Dans un premier temps, les gouvernements doivent mettre en place des limites sur l’augmentation des loyers entre deux baux, ils doivent limiter le nombre de logements pouvant posséder une seule entité et, surtout, ils doivent limiter la capacité des promoteurs à acheter et à revendre des logements dans un court laps de temps.

Le 7 décembre 2020, la Ville de Montréal demandait le démantèlement du campement Notre-Dame, où des dizaines de personnes sans logement avaient trouvé refuge. Le 14 décembre, un rapport exhaustif du comité logement de la Petite Patrie dévoilait, entre autres choses, que 85 % des évictions ayant eu lieu dans l’arrondissement depuis 2015 étaient frauduleuses. Le 16 décembre, la Ville de Montréal promettait de lutter contre l’embourgeoisement occasionné par la construction du REM à l’est.

Heureusement, grâce au Règlement pour une métropole mixte, nous dit la Ville, le droit au logement sera défendu. Ce règlement vise à s’assurer que les promoteurs immobiliers allouent plus de logements sociaux, plus de logements « abordables » et plus de logements familiaux pour chaque nouveau développement immobilier dans une proportion de respectivement 20 % ; d’où le surnom : 20-20-20.

Or, il y a environ un mois, l’administration Plante annonçait que son règlement 20-20-20 ne serait finalement effectif qu’au printemps. Ce délai n’est pas dramatique, car dans les faits, le règlement ne s’attaque pas au véritable problème de l’accessibilité à un logement abordable.

Sans ignorer la contribution d’une telle mesure pour lutter contre la pénurie de logements, il faut se demander si une politique comme celle de l’administration Plante s’attaque à la source du problème. Une telle politique du logement est insuffisante, car elle ne fait que corriger les plus grandes inégalités afin de pouvoir laisser le reste du marché travailler comme bon lui semble.

Il ne suffit pas de donner des logements sociaux pour que les gens moins nantis de la société puissent se loger dans les nouveaux développements. Ces simples mesures correctrices, comme celles de la Ville de Montréal, ne suffiront pas à endiguer le problème de la flambée des prix des loyers et de la précarisation de l’accès au logement.

Le problème actuel n’est pas un simple problème d’offre anémique de logements sociaux pour les plus démunis. Le problème actuel est lié à la financiarisation du logement. Le règlement 20-20-20 est insuffisant compte tenu de la nature de la crise du logement et de ses effets non seulement sur les plus démunis, mais aussi sur la classe moyenne, de plus en plus précarisée par la hausse des prix due à la financiarisation.

Balises

 

Sans aucun doute, il est impératif de créer plus de logements sociaux et plus de logements abordables et familiaux, mais il faut aussi baliser le marché locatif pour éviter, entre autres, que des propriétaires évincent, harcèlent ou discriminent des locataires.

Le pouvoir des propriétaires est disproportionné dans un marché qui ne fait qu’augmenter la valeur de leurs avoirs tout en serrant la ceinture et en essayant d’extirper chaque dollar supplémentaire des locataires qui, en retour, ne voient leurs avoirs ou leurs salaires prendre aucune valeur.

Les gouvernements doivent combattre le problème central de cette crise : la financiarisation du logement. Le système canadien favorise les propriétaires et les banques. Les effets se font maintenant sentir et c’est à l’État de prendre des mesures.

Le sociologue Louis Gaudreau explique dans un essai paru plus tôt cette année que le développement de l’immobilier au Canada a été largement influencé par les interventions des institutions gouvernementales. C’est en tirant profit des avantages de ce système financier que les grandes compagnies immobilières et les propriétaires d’immeubles se retrouvent aujourd’hui avec un pouvoir disproportionné sur certaines strates de la population.

Il est temps que les gouvernements prennent leurs responsabilités. Dans un premier temps, ils doivent mettre en place des limites sur l’augmentation des loyers entre deux baux, ils doivent limiter le nombre de logements pouvant posséder une seule entité et, surtout, ils doivent limiter la capacité des promoteurs à acheter et à revendre des logements dans un court laps de temps.

Dans un deuxième temps, il faudra s’attaquer à un problème encore plus fondamental : le fait que les entreprises propriétaires de grands parcs immobiliers puissent être cotées en Bourse et donc soumises à la pression de générer des dividendes à tout prix. Ce prix est souvent la qualité de vie des locataires.

Précarisation

 

Le problème du logement a un effet sur la façon dont les individus prennent part à la société. La hausse des loyers et la précarisation de l’occupation d’un logement posent des dangers réels aux fondements même de la cohésion des liens sociaux. Il faudra en faire davantage afin de s’assurer de ne pas négliger une part de plus en plus considérable de citoyens.

Cela pourrait, à terme, miner le sens même de la participation communautaire et démocratique des citoyens. Les loyers occupent une part faramineuse des revenus, les propriétaires font la pluie et le beau temps sur les conditions de vie des locataires tout en s’accaparant une part de plus en plus importante du capital immobilier.

Le problème du logement dépasse les simples décisions individuelles en ce qui regarde l’accroissement de la concentration du capital immobilier. Une politique de type 20-20-20 ne fait que couvrir les symptômes du véritable problème de la crise. Malgré toute la bonne volonté de la Ville de Montréal, elle ne peut pas penser pouvoir endiguer seule le problème de l’accroissement des inégalités liées à l’accessibilité au logement.

Les gouvernements canadien et québécois doivent prendre acte de la nécessité de mettre en place des mesures qui limitent, voire interdisent, la spéculation immobilière. Les gouvernements doivent travailler en amont afin de cesser de brimer le droit au logement qu’ils prétendent défendre.

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