Les catastrophes environnementales ne sont pas une fatalité

Notre incapacité systémique à considérer, anticiper et prévenir les menaces environnementales souligne une faille de gouvernance qui doit être corrigée, estiment les auteurs.
Photo: Paul Chiasson La Presse canadienne Notre incapacité systémique à considérer, anticiper et prévenir les menaces environnementales souligne une faille de gouvernance qui doit être corrigée, estiment les auteurs.

Le récent rapport d’étape de la Protectrice du citoyen souligne les lacunes de l’État québécois pour prévenir les décès liés à la COVID-19 dans les CHSLD, et ce, malgré une réaction à la pandémie dont l’ambition contraste avec le peu d’attention que suscitent le dérèglement climatique, la pollution et la dégradation des écosystèmes.

À notre avis, cette absence chronique d’anticipation révèle des failles de gouvernance auxquelles il est possible de remédier par la création d’une agence de prévention des risques environnementaux, car ces failles sont structurelles et montrent la vulnérabilité de nos institutions.

Malgré les recommandations des épidémiologistes et de l’OMS, à la suite des épisodes du SRAS-CoV-1 (2003) et du H1N1 (2009), le Québec ne disposait pour le COVID-19 ni de plan d’urgence efficace ni des ressources humaines et matérielles pour affronter une crise sanitaire qui a exposé la fragilité de notre société. Dans ce contexte, nous devons intégrer l’idée que l’essor des zoonoses, responsables d’infections pandémiques, constitue un enjeu environnemental.

La société québécoise ne semble pas davantage prête à affronter les effets pourtant prévisibles des changements climatiques, accumulant plusieurs décennies de retard dans la planification de son atténuation et son adaptation. Malgré les données scientifiques solides qui soulignent l’ampleur de la crise climatique, l’action des gouvernements successifs est restée anémique. La lutte contre la pollution l’illustre clairement, quand on sait que 2000 décès prématurés annuels sont associés de manière récurrente à la pollution atmosphérique au Québec (14 600 au Canada).

Nous faisons peu pour prévenir et nous adapter à l’érosion des côtes, limiter la pollution, l’eutrophisation et la dégradation faunique du Saint-Laurent, la dégradation des terres arables, les canicules, les incendies forestiers ou les inondations. Quels seront les perdants économiques ? Qui se retrouvera dans l’angle mort sanitaire ?

Critères d’urgence

Avec la pandémie, nous semblons oublier que l’urgence d’une crise ne se résume pas à son imminence. Elle se réfère aussi à la portée de ses répercussions, au temps qu’il faut pour la comprendre et y faire face, à son potentiel d’irréversibilité et au degré de résilience ou de vulnérabilité des populations.

Au Québec, la gestion des situations d’urgence relève de la Sécurité publique et les enjeux sanitaires de la Santé publique. Ces organismes semblent se concentrer davantage sur la gestion de crise que sur la gestion de risques. Cette dernière inclut, outre les répercussions sanitaires, les conséquences sociales et économiques.

Ces préoccupations nous échappent : bien que les services que nous rend la nature représentent des millions de dollars, sinon des milliards, nous n’intégrons pas les pertes occasionnées par la destruction de l’environnement. Que fait-on pour développer une résilience permanente dans la population afin de répondre plus efficacement à une nouvelle crise ?

Notre incapacité systémique à considérer, anticiper et prévenir les menaces environnementales souligne une faille de gouvernance qui doit être corrigée. Considérant le défi que pose une gouvernance environnementale efficace dotée d’un pouvoir réel, il faut qu’un organe de l’État oriente adéquatement le gouvernement sur les questions environnementales. Selon nous, tirer les véritables leçons de la pandémie devrait se traduire par la mise en place d’une agence nationale de gestion des risques environnementaux ou l’équivalent.

Cet organisme pourrait déterminer les risques environnementaux sur le territoire québécois, colliger les informations en gestion de risques, et prendre en compte les conséquences sociales et économiques. Il serait équipé pour gérer des risques conjugués comme les effets de la pollution, un enjeu à la fois sanitaire et environnemental, ainsi que la conjonction de deux crises comme un épisode de chaleur extrême et une nouvelle infection pandémique. Il pourrait également développer des indicateurs de niveaux de risques et publier des niveaux d’alerte comme ceux de la SOPFEU pour les incendies de forêt. Ces propositions visent à partager une idée, pas à définir le mandat d’une telle agence.

Les catastrophes environnementales ne sont pas une fatalité. Non seulement ont-elles une origine anthropique, mais leurs conséquences peuvent et doivent être limitées.

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