Les conséquences pour le Canada

Pour le Canada, l’élection de Joe Biden à la présidence américaine est de loin préférable à un deuxième mandat de Donald Trump, dont la réélection affecterait ses programmes sociaux, les relations commerciales entre les deux pays, la lutte contre les changements climatiques, la relation géopolitique avec la Chine et la stabilité sociopolitique aux États-Unis.
Au fil des ans, le Canada a choisi de maintenir un filet social plus robuste, un système d’éducation plus accessible et un cadre réglementaire plus conséquent (environnement, normes du travail), ce qui a notamment conduit à un niveau d’inégalités moins extrême. Ce choix explique une fiscalité plus agressive au Canada, où la taxation représente 33 % du PNB contre 24,3 % aux États-Unis (OCDE).
Les coûts de production sont donc plus élevés pour les entreprises canadiennes, ce qui a pour effet de réduire leur compétitivité, particulièrement dans les secteurs où elles sont en concurrence avec des entreprises américaines. Au bout du compte, cette dynamique exerce une pression sur la fiscalité canadienne et sur le financement des programmes sociaux.
Lors de son premier mandat, Trump a réduit considérablement les impôts des grandes entreprises et la réglementation, ce qui a creusé l’écart davantage entre les deux pays. Tout indique qu’une victoire républicaine conduirait au mieux au statu quo et au pire à exacerber la situation actuelle. Rappelons que Trump a promis de nouvelles baisses d’impôts et que son budget F2021 prévoit des coupes importantes dans les dépenses sociales et l’éducation.
À l’inverse, une victoire des démocrates réduirait la pression sur les programmes sociaux canadiens, tout en améliorant la compétitivité des entreprises canadiennes. Biden s’engage à imposer davantage les entreprises et les contribuables plus fortunés, y compris les gains en capitaux. Son programme prévoit des investissements significatifs dans les programmes sociaux, l’éducation et la lutte contre les changements climatiques.
En matière d’environnement, le contraste entre Trump et Biden ne pourrait pas être plus clair. Trump nie l’existence des changements climatiques et veut accélérer l’exploitation des énergies fossiles. De son côté, Biden promet des investissements massifs dans les énergies vertes et renouvelables, la réintégration des États-Unis à l’Accord de Paris et la réduction de la dépendance aux énergies fossiles. Si les démocrates venaient à concrétiser leurs ambitions, les provinces canadiennes productrices et exportatrices de pétrole et de gaz seraient négativement affectées, mais une majorité de Canadiens saluerait l’engagement de son voisin en faveur des énergies propres.
Quant aux relations commerciales, le premier mandat de Trump a été marqué par la pénible renégociation de l’ALENA qui a débouché sur un nouvel accord (ACEUM), mais aussi l’imposition de tarifs sur l’acier et l’aluminium au nom de la sécurité nationale. Comme avec plusieurs autres partenaires commerciaux, le président actuel n’a pas hésité à utiliser les menaces et le chantage pour faire avancer un programme souvent mercantiliste. Un gouvernement Biden serait plus protectionniste que sous Obama ou Clinton, mais les rapports commerciaux seront sans doute davantage axés sur les intérêts géopolitiques à long terme des deux partenaires.
La relation sino-américaine est un autre enjeu central de l’élection. Pour le président, la Chine est devenue le bouc émissaire pour tous les problèmes qui affligent les États-Unis, y compris la COVID-19, les pertes d’emplois manufacturiers et le déficit commercial. Une forte majorité d’Américains a maintenant une opinion défavorable de la Chine, qui frôle la xénophobie.
Face à la montée de la Chine, le gouvernement américain est en voie de déclencher une nouvelle guerre froide. En utilisant le prétexte de la sécurité nationale, les États-Unis imposent des tarifs, bloquent les investissements chinois sur leur territoire, financent le rapatriement d’entreprises américaines en Chine et tentent de forcer les pays qui transigent avec la Chine (y compris les alliés) à les suivre dans cette guerre économique. Ni le Canada ni les autres alliés des États-Unis n’ont avantage à s’empêtrer dans une telle dynamique.
Justice sociale
Bien qu’il affirme que les relations économiques et politiques avec la Chine doivent changer et que des tarifs peuvent être utilisés comme moyen de pression, Joe Biden croit que ces objectifs peuvent être atteints par la négociation et une réglementation plus stricte, mais aussi par un accroissement de la compétitivité des entreprises américaines.
Enfin, pour le Canada, la crise sociopolitique qui secoue actuellement son voisin n’a rien de rassurant. L’extrême polarisation politique, l’augmentation des inégalités, la montée de l’extrême droite, les tensions raciales, une crise sanitaire et économique dont l’issue demeure incertaine et la perspective d’une élection contestée, pourraient plonger les États-Unis dans une longue période d’instabilité. Joe Biden est plus susceptible d’encourager la réconciliation nationale et la justice sociale, mais il fera face à des défis de taille, surtout si les démocrates n’obtiennent pas de majorité au Sénat.