L’entrepreneuriat pour revitaliser les régions

«En région, les méga-immobilisations font généralement exploser l’économie des lieux de leur localisation», rappelle l'auteur.
Photo: Alexandre Shields Le Devoir «En région, les méga-immobilisations font généralement exploser l’économie des lieux de leur localisation», rappelle l'auteur.

Dans un texte paru dans Le Devoir du 18 septembre, le président de l’Institut de recherche en économie contemporaine (IREC), André Véronneau, propose sa vision concernant la revitalisation des régions éloignées. Critiquant la stratégie régionale classique concernée par l’attraction de mégaprojets exogènes, le modèle alternatif de développement préconisé mise plutôt sur les initiatives entrepreneuriales. L’approche de l’IREC s’appuie sur cinq axes d’action, soit la recherche appliquée, l’analyse des filières autour de spécificités territoriales, la concertation, la planification et le soutien direct aux entreprises. En s’inscrivant actuellement dans l’air du temps, cette pertinente perspective endogène s’avère séduisante.

Or, il est important de signaler que la réalité des régions éloignées diffère de celle des régions centrales comme la Beauce, les Bois-Francs, l’Estrie. En périphérie, ce sont les grands projets qui créent largement l’environnement économique à Sept-Îles, à Alma, à Lebel-sur-Quévillon et autres Amqui, sauf dans Charlevoix et Kamouraska. Ce développement exogène a dominé pendant tout le XXe siècle avec la construction du chemin de fer, l’aménagement du lac Saint-Jean, la multiplication des papetières, l’attraction d’extracteurs miniers, l’établissement d’alumineries, la plantation d’éoliennes, sans oublier les importantes réalisations d’Hydro-Québec sur certaines grandes rivières.

En région, les méga-immobilisations font généralement exploser l’économie des lieux de leur localisation. Par la suite, les opérations d’extraction, de raffinage et d’expédition des matières premières injectent des dépenses en biens et services tout en versant de bons salaires dans les circuits économiques locaux. De petites et moyennes entreprises émergent en conséquence autour de ces majeures, notamment des constructeurs, fournisseurs, sous-traitants, équipementiers, services spécialisés. Il y a aussi des fabriques et quelques manufactures, notamment au Saguenay. Mais il y a peu de petites filières de PME spécialisées et enchaînées vers des produits finis, étant donné l’étroitesse des marchés locaux, les coûts de transport et de la main-d’œuvre et la domination des géants localisés près des grands marchés.

L’actualité récente a illustré les difficultés financières de la cimenterie McInnis de Port-Daniel et de l’activité diamantifère de Stornoway, près des monts Otish. Ce qui porte ombrage aux grands projets, par ailleurs de moins en moins nombreux en périphérie québécoise, et les discrédite. Il serait au contraire approprié de valoriser le savoir-faire en matière d’analyse de faisabilité multicritère qui explique les succès récents, notamment la mine de fer de Champion au lac Bloom, l’extraction de l’or et du nickel, les complexes récréatifs, les corridors touristiques, les nouvelles alumineries d’Alma et de Sept-Îles, etc. Actuellement débattu par le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement, le projet GNL d’Énergie Saguenay illustre parfaitement ce gain d’expertises dans le montage de grands projets complexes.

À ce sujet, on sait que les bassins miniers doivent être fermement régulés et que le jardinage de la forêt boréale devient incontournable. Notons aussi que la périphérie recèle d’importantes réserves d’énergie renouvelable. Au sein du réservoir de Caniapiscau, dans le golfe du Saint-Laurent et sur les côtes de la baie James se trouvent des gisements éoliens imposants. En outre, l’hydraulicité offre encore un potentiel de production capable en principe de doubler le turbinage actuel de mégawatts. Et que dire des réserves de biomasse ? Tout ce potentiel latent s’inscrit actuellement dans un contexte de progrès technologiques qui font décroître les coûts de production devant une demande de plus en plus affirmée sur le marché.

Depuis les années 1980, les pays occidentaux ont mis en œuvre des politiques publiques pour favoriser le développement endogène, notamment en régions éloignées. On désirait ainsi maximiser les effets des impulsions exogènes de nature macroéconomique par la bonification des conditions locales telles que la construction d’équipements publics dans la santé, l’éducation, l’habitation, les loisirs, l’environnement, etc. Au Québec, ces conditions endogènes ciblées ont aussi permis de mettre en œuvre un ensemble de services de soutien aux initiatives, qui se sont ajoutés aux traditionnelles chambres de commerce, notamment les sociétés d’aide au développement des collectivités, les centres locaux de développement, les divers comités et conseils locaux, les centres de transfert technologique des collèges et des universités ainsi qu’une panoplie d’organismes qui exercent pertinemment dans le financement du risque, le tourisme, l’environnement, le social, la forêt, l’éducation et la formation, la culture, la jeunesse.

Nécessaire mais non suffisante, la respectable approche de l’IREC s’inscrit au sein de cette complexité du soutien endogène caractérisée par de multiples actions éclatées, autocentrées et souvent en concurrence. À sa vision bien articulée de la revitalisation des régions éloignées, il serait pertinent d’inclure un volet concernant l’attractivité territoriale des grands projets. Les deux approches du développement, endogène et exogène, ne sont pas en concurrence, mais complémentaires.

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