Ces tours dont on n’a plus besoin

«Le télétravail, c’est moins de perte de temps en transport, c’est moins d’émissions de GES, moins de smog, moins de problèmes de circulation, moins d’accidents sur la route, moins de stress, moins de dépenses en vêtements tape-à-l’œil», estime l'auteur.
Photo: Nicolas McComber Getty Images «Le télétravail, c’est moins de perte de temps en transport, c’est moins d’émissions de GES, moins de smog, moins de problèmes de circulation, moins d’accidents sur la route, moins de stress, moins de dépenses en vêtements tape-à-l’œil», estime l'auteur.

Le centre-ville de Montréal se cherche des locataires. La semaine dernière, la mairesse Plante faisait une sortie publique pour appuyer la relance économique du centre-ville de Montréal en appelant à une augmentation du taux d’occupation des bureaux du centre-ville. La Ville veut ainsi renflouer ses coffres en incitant les entreprises à ramener leurs salariés au bureau, dans les grandes tours du centre-ville. Pendant ce temps, à Québec, le ministre du Travail dit vouloir revisiter les lois qui encadrent le monde du travail afin de l’adapter à la nouvelle réalité du télétravail. La question se pose : si le télétravail est là pour de bon, avons-nous encore besoin des tours du centre-ville ?

Ayant travaillé pour de grandes entreprises depuis plus de 15 ans, des tours de bureaux, j’en ai occupé plusieurs. Dans la grande majorité, il s’agit de milieux hostiles à la vie humaine, aux tapis gris deux tons où on s’entasse dans des ascenseurs et des cubicules pas de fenêtres, éclairés aux néons. À cet égard, le télétravail imposé par le confinement de ce printemps a été accueilli comme un vent de fraîcheur par beaucoup de travailleurs. Notamment auprès des familles pour qui le télétravail a apporté une flexibilité dont elles ont désespérément besoin.

Le télétravail, c’est moins de perte de temps en transport, c’est moins d’émissions de GES, moins de smog, moins de problèmes de circulation, moins d’accidents sur la route, moins de stress, moins de dépenses en vêtements tape-à-l’œil. C’est aussi moins de sandwichs à 8 $ qui goûtent la cellophane. À l’inverse, c’est souvent deux heures de temps de qualité de plus par jour, c’est passer plus de temps avec nos proches, c’est plus d’argent dans nos poches, et vous savez quoi ? C’est aussi plus de beauté dans nos vies. Qui préfère les couloirs de métro glauques, l’habitacle de sa voiture ou les cabines de toilettes du bureau à son chez-soi ?

Un grand nombre de travailleurs ne veulent pas réintégrer les tours du centre-ville et leur mode de vie métro-boulot-dodo qui nous relègue au rang de robots asservis qui carburent à l’essence ordinaire et au café Tim Hortons. À cet égard, je trouve que la stratégie de la mairesse Plante de demander aux entreprises de ramener bêtement leurs salariés au bureau est de courte vue. On aurait pu s’attendre à mieux d’une mairesse reconnue pour ses positions environnementales. Sommes-nous capables de prendre un moment pour penser le monde dans lequel on vit ? Penser à la vie que nous souhaitons mener ? Si le télétravail apporte tant de bénéfices, dont celui de ne pas nuire à la productivité, pourquoi ne pas prendre le virage ? Parce qu’il faut remplir les tours de bureaux des grandes villes ?

On a cruellement besoin de villes à échelle humaine. La pandémie aura forcé ce constat. Comme l’écrit Jan Gehl, auteur du livre Pour des villes à échelle humaine, « l’architecture et l’urbanisme accordent encore trop souvent la priorité à la circulation automobile et à la construction de gratte-ciel isolés de leur environnement. Aller au travail à pied ou à vélo sans risquer de se faire écraser, marcher le long d’une rue bordée d’arbres et de façades attrayantes, s’arrêter sur une place publique pour lire et y croiser des amis par hasard, voilà à quoi pourrait ressembler une ville à échelle humaine ». Le centre-ville de Montréal est tout sauf cela.

Si la pandémie actuelle nous force à repenser le centre-ville, je dis faisons-le ! Pourquoi ne pas convertir certaines tours de bureaux en logements sociaux ? Pourquoi ne pas y aménager des épiceries, des garderies, des logements pour aînés, des espaces communautaires ? De grâce, ne cédez pas aux pressions des chambres de commerce. Il y a là l’idée de ce qui pourrait devenir un immense chantier pour Montréal.

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