L’impôt sur la fortune, la clé d’une reprise verte et juste

«Il est plus que temps qu’une réforme fiscale garantisse que le coût de la pandémie sera équitablement partagé», pense l'autrice.
Photo: Darryl Dyck La Presse canadienne «Il est plus que temps qu’une réforme fiscale garantisse que le coût de la pandémie sera équitablement partagé», pense l'autrice.

Le coût de la COVID-19 est immense en vies humaines ainsi que sur les plans social, culturel et, bien entendu, économique. Cette pandémie nous a également jeté en plein visage les inégalités créées par notre système. Tout le monde en ce moment parle de relance, et beaucoup, heureusement, parlent de relance juste et verte.

J’ai vu ces notions reprises à toutes les sauces, au gré des auteurs et de leur position sur le spectre politique.

Mais peu importent vos penchants politiques, la réalité reste la même : la crise sanitaire actuelle va coûter cher, très cher. En avril seulement, un mois seulement après le début du confinement, près de 5,5 millions de Canadiens perdaient leur emploi ou voyaient leurs heures réduites de plus de la moitié, selon les chiffres de Statistique Canada. Le ministre des Finances Bill Morneau, de son côté, prévoit un déficit de 343,2 milliards de dollars pour l’exercice 2020-2021.

Si la question de la relance ne se pose pas, son orientation et la tournure que le gouvernement lui donnera, elles, restent encore à déterminer.

Il y a fort à parier que les incidences de la COVID-19 ne reposeront pas équitablement sur les épaules des Canadiens. Je ne pense pas surprendre qui que ce soit en disant que, jusqu’à présent, certains groupes sociodémographiques ont été disproportionnellement affectés par cette pandémie. Nous n’avons qu’à penser aux réfugiés, aux travailleurs migrants, aux communautés racisées, aux Autochtones, aux femmes… Une relance juste et verte se doit absolument de cerner et de reconnaître ces inégalités et, surtout, elle doit avoir pour but de les corriger sur le long terme.

À cet égard, nous sommes plusieurs organisations environnementales, sociales et membres de la société civile à promouvoir des recommandations à nos élus pour une relance qui s’attaque aux problèmes d’inégalité et d’injustice, en implantant des mesures structurelles majeures visant aussi à atténuer la crise climatique.

Avec les recommandations viennent les doutes et le questionnement sur la faisabilité d’une telle relance. Comment allons-nous financer tout cela ? Où trouverons-nous l’argent ? C’est toujours la même rengaine, n’est-ce pas ? Quand nous parlons de hausser le salaire minimum, quand nous parlons de virage vert, quand nous parlons de donner accès à de l’eau potable pour toutes les communautés autochtones canadiennes… J’ai envie de dire : allons le chercher là où il se trouve !

Une solution

 

Si la COVID-19 a eu des conséquences dramatiques pour le portefeuille du commun des mortels, les plus riches, eux, se sont enrichis pendant cette pandémie. Un rapport de TaxCOOP rendu public fin mai montre que les cinq plus riches milliardaires canadiens ont vu leur richesse augmenter de 9 % entre le 16 mars et le 16 mai 2020. En fait, 1 % des Canadiens détiennent 25,6 % de la richesse, selon le Bureau du directeur parlementaire du budget. Dire que « la distribution du patrimoine entre les ménages canadiens est biaisée en faveur des familles les plus riches » est donc un euphémisme. Une étude récente indique également que 10 % des personnes les plus riches du monde sont responsables de 25 à 43 % des impacts environnementaux.

Alors, quand on se questionne sur la façon de financer cette relance juste et verte, quatre mots devraient, entre autres, commencer à s’imposer dans nos esprits : impôt sur la fortune. Selon un rapport du Directeur parlementaire du budget, instaurer un impôt sur la richesse pour les Canadiens les plus riches rapporterait 5,6 milliards de dollars annuellement.

Un sondage récent effectué par Abacus Data a révélé que 75 % des personnes interrogées étaient favorables à une taxe sur la fortune de 1 à 2 %. Il est plus que temps qu’une réforme fiscale garantisse que le coût de la pandémie sera équitablement partagé.

Vous me trouvez trop radicale ? Ce n’est pourtant pas le cas de plusieurs milliardaires qui ont choisi de cosigner une lettre ouverte demandant à leurs gouvernements respectifs de les taxer davantage. « Sans attendre. Sans hésitation. De façon définitive. » Parce que, comme ils et elles l’ont si bien dit : « Il nous faut rééquilibrer notre monde avant qu’il ne soit trop tard. »

Nous ne pouvons pas manquer le bateau avec cette relance. Nous ne reverrons pas des investissements de cette ampleur de la part de nos gouvernements de sitôt. Si nous souhaitons réellement rebâtir en mieux, l’occasion nous est offerte aujourd’hui. À nous de la saisir à bras-le-corps. La crise climatique n’attend pas. Les inégalités ne se dissiperont pas d’elles-mêmes et nous devons nous donner les moyens de nos ambitions.

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