La bisbille au Musée des beaux-arts soulève des questions d’intérêt public

La crise que traverse le Musée des beaux-arts de Montréal soulève de nombreuses questions d’intérêt public et révèle au moins une évidence : il y a lieu de se pencher sans délai sur la gouvernance de l’établissement et, pour le gouvernement du Québec, de déclencher un audit sur les récentes actions du conseil d’administration.
Sans être une société publique, le Musée est une personne morale qui tire une part substantielle de ses revenus et de son financement de l’État québécois. Il est régi par une loi adoptée par le gouvernement du Québec en 1972, modifiée de temps à autre jusqu’à sa dernière révision, en 1999. La structure du conseil d’administration du MBAM est définie dans cette loi, qui en détermine aussi le rôle et les responsabilités. Le législateur n’a pas jugé bon de préciser en parallèle le cadre de gestion et les pouvoirs de la direction générale. Aucun comité statutaire du conseil n’y est décrit, à l’exception du comité de direction.
Les fonctions du Musée des beaux-arts du Canada, par comparaison, sont définies et encadrées de façon beaucoup plus précise. Elles concernent la planification stratégique, la surveillance et l’évaluation du rendement du Musée, la gestion des risques, les politiques générales quant au pouvoir et aux responsabilités de la direction, et, finalement, la planification de la relève pour les postes de gestion importants et l’autoévaluation du conseil lui-même et des administrateurs.
Zones d’ombre
Les règles modernes de gouvernance insistent sur le respect des compétences et la collaboration entre le conseil d’administration et l’équipe de gestion, normalement menée par un chef ou une cheffe de la direction. Le plus récent rapport annuel du Musée des beaux-arts de Montréal dessine plusieurs zones d’ombre dans les rapports entre le conseil d’administration, les administrateurs et la direction générale. Le président et le vice-président du conseil d’administration sont décrits comme des dirigeants, une aberration et une intrusion apparente dans les fonctions de la direction générale. Pire, le rapport annuel ne montre pas de signe de l’existence de deux comités de plus en plus statutaires dans les modèles de bonne gouvernance, soit un comité des ressources humaines et un comité éthique et gouvernance.
Le président actuel du conseil, Michel de la Chenelière, a pris ses fonctions il y a tout juste un an… peu de temps avant que ne soit ordonnée une enquête sur le climat de travail par la firme Cabinet RH. Quel rôle précis y a-t-il joué ? Le rapport est, semble-t-il, accablant et condamne sans appel le style de gestion « toxique » de la directrice générale. Il est tout de même étonnant que cette question surgisse aussi soudainement à la treizième année de la direction du musée par Mme Nathalie Bondil. Comment Cabinet RH aurait-il qualifié les rapports entre le conseil et Mme Bondil ? Harmonieux ? Productifs ? Également toxiques ? Était-elle devenue trop importante ?
Il est primordial aujourd’hui de faire la lumière sur les rapports de Mme Bondil non seulement avec les employés, mais aussi avec le conseil d’administration et ses principaux officiers.
Mme Nathalie Bondil est une sommité mondiale qui a propulsé le Musée des beaux-arts de Montréal parmi les musées les plus enviables du monde. En toute décence, le gouvernement du Québec, qui désigne 9 administrateurs sur 21, doit agir sans tarder pour clarifier et expliquer les conditions ayant conduit à la révocation du mandat de Mme Bondil, plongeant du même coup un acteur culturel majeur dans un état de crise sans précédent. Et ça commence par l’évaluation du conseil d’administration et l’examen minutieux de son modèle de gouvernance.