Cessez de sacrifier les enfants en difficulté

Des centaines d’enfants de trois à cinq ans présentant des troubles de langage ou de comportement sont privés des services de réadaptation auxquels ils ont droit.
iStock Des centaines d’enfants de trois à cinq ans présentant des troubles de langage ou de comportement sont privés des services de réadaptation auxquels ils ont droit.

En ce moment, des ergothérapeutes et des psychoéducatrices qui devraient aider des enfants d’âge préscolaire et leurs familles vulnérables sont contraintes de négliger leur clientèle pour désinfecter des tables et surveiller les couloirs de centres d’hébergement. Par conséquent, des centaines d’enfants de trois à cinq ans présentant des troubles de langage ou de comportement sont privés des services de réadaptation auxquels ils ont droit avant d’entrer à l’école. Cette situation scandaleuse découle du choix délibéré de certains CIUSSS, notamment à Montréal.

Pourquoi ? En mars, au début de la pandémie, les professionnelles de centres de réadaptation et de CLSC ont été retirées de leurs tâches habituelles et envoyées prêter main-forte en CHSLD ou dans d’autres lieux d’hébergement. À ce moment-là, la mesure se défendait : leurs thérapies auprès des enfants avaient été annulées pour des raisons sanitaires, et ces orthophonistes, ergothérapeutes ou psychoéducatrices ne servaient donc, temporairement, « à rien ». Autant s’en servir en CHSLD, où les besoins étaient manifestes. Elles n’ont pas rechigné, assumant des tâches éprouvantes. Leurs patients habituels et leurs familles sont restés sans services, sans se plaindre non plus — dociles.

Mais nous voici trois mois plus tard, et la situation a changé. Des professionnelles restées derrière ont fait un travail remarquable pour inventer des services à distance, qui fonctionnent : on peut, maintenant, aider les enfants. La crise en CHSLD est résorbée. La logique veut qu’on retourne dare-dare les orthophonistes, ergothérapeutes et psychoéducatrices à leur tâche première,qui est de mettre des enfants en difficulté sur la bonne voie avant qu’ils ne se heurtent à un mur. Ces enfants n’auront quatre ans qu’une seule fois, il ne faut pas les manquer. Le ministère de la Santé lui-même a formulé des directives indiquant que la réadaptation des difficultés de langage devait reprendre auprès des enfants.

Le problème ? Des CIUSSS retardent sciemment le retour des professionnelles de réadaptation. Par choix, par facilité, par mépris des directives. Maintenir, quelques semaines de plus, des ergothérapeutes, des éducatrices ou des orthophonistes dans des rôles de préposées simplifie la vie de certains gestionnaires. À Montréal, des professionnelles spécialisées qui devraient aider des enfants demeurent captives de tâches de préposées dans des centres d’hébergement pour adultes, comme le Centre Gingras-Lindsay. Ça simplifie l’administration et, comme les parents d’enfants lésés ne sont pas en position de se plaindre…. Pour faire passer la pilule, le CIUSSS finasse, offrant une interprétation tordue des directives ministérielles ou égrenant des miettes de services pour embellir les statistiques.

Mais le résultat est le même : des centaines d’enfants ne reçoivent pas les services pour lesquels des thérapeutes, qui ne demandent que cela, seraient disponibles si les CIUSSS daignaient s’en préoccuper. Des parents qu’on a laissés dans le noir durant des mois recevront bientôt une lettre les avisant poliment qu’on les a floués, que les directives ministérielles comptent pour du beurre et que leur enfant sera passé par pertes et profits. Pire : le temps file et, si on ne rapatrie pas les professionnelles dès maintenant, c’est l’automne qui pourrait être compromis.

L’urgence est claire : il faut rapatrier toutes les professionnelles de la réadaptation pédiatrique et leur permettre de faire leur travail. Dans tous les CIUSSS et CISSS du Québec, sans exception. À en croire M. Legault, le changement de ministre à la Santé a pour but de reprendre le contrôle du réseau. Voilà une bonne occasion pour le ministre Christian Dubé de signifier aux CIUSSS quelles sont ses véritables priorités.

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