Loi 61: comment alléger et accélérer les projets d’infrastructures publiques?

Dans un contexte post-COVID-19, le Québec, comme la plupart des autres pays, cherche à relancer son économie en accélérant ses investissements dans des projets d’infrastructures publiques. Le gouvernement de Grande-Bretagne, par exemple, a annoncé une augmentation de 2,9 milliards de dollars canadiens pour des projets de transport. On espère que cette stratégie aura des conséquences économiques positives à court et à moyen terme — réactiver les marchés et générer des possibilités d’emploi. Investir dans les infrastructures publiques a aussi d’autres conséquences à long terme sur les systèmes sociaux et sur l’environnement. Les solutions économiques ne peuvent pas être considérées en vase clos. Elles exigent au contraire une pensée plus globale, une pensée intégratrice des dimensions sociales, environnementales et technologiques. La participation citoyenne a également un rôle à jouer.
Alléger et accélérer ?
Après quelques années d’intervention en gestion de projet auprès du gouvernement du Québec (Secrétariat du Conseil du trésor, MTQ, SQI), nous sommes convaincus que c’est possible. Mais, les économies de temps sont-elles là où l’on pense ? Une chose est certaine, ce plan pour accélérer la réalisation de 202 projets offre une occasion unique de revisiter la gouvernance et les processus administratifs qui se sont immanquablement rigidifiés au fil du temps. Au Québec, les projets majeurs sont soumis depuis 2014 à la Directive sur la gestion des projets majeurs d’infrastructure publique. Cette directive est issue d’un fort mouvement international en faveur de l’amélioration des performances des projets d’infrastructure. Il faut se rappeler les dépassements de coûts extraordinaires de certains projets. Un cas classique qui fait école est celui des Jeux olympiques de 1976 et plus récemment le métro de Laval, la corruption soulevée par la commission Charbonneau et les problèmes éthiques au CUSM.
Plus important encore, la qualité des projets. Il ne faudrait pas que l’accélération des projets nous conduise à un nouveau « viaduc de la Concorde ». Le soin apporté à la préparation de ces grands projets joue un rôle crucial sur la qualité et la pérennité des infrastructures, sur les bénéfices et les répercussions économiques, environnementales ou sociales qu’ils produisent réellement et sur le respect des coûts et des échéances.
Alors, la question se pose : comment accélérer la préparation et la réalisation des projets sans affecter négativement la qualité du résultat tout en respectant les contraintes de temps et de budget ? Et surtout dans un contexte où il y a rareté de la main-d’œuvre. Voici quatre propositions qui peuvent être réalisées à court terme afin d’alléger et d’accélérer les projets visés par le projet de loi n° 61 :
Un propriétaire fort. Il s’agit ici de revisiter la gouvernance en contexte de projet. Un propriétaire fort prend des décisions rapidement sur la base d’informations solides. Dans les projets majeurs d’infrastructures publiques, il peut y avoir un flou quant à la responsabilité relativement aux décisions. Il s’agit donc de renforcer ce rôle de propriétaire et de donner les moyens d’agir ainsi.
La normalisation de ce que l’on connaît des bonnes pratiques dans la gestion des projets. Il y a de nombreux avantages à se doter d’une approche commune de gestion de projet dans une même organisation, et à plus forte raison lorsque les projets sont réalisés sur de multiples sites : se doter d’un langage commun, renforcer les compétences individuelles et organisationnelles et, bien sûr, échanger et apprendre sur les pratiques qui donnent de bons résultats.
Un projet : une équipe multidisciplinaire dédiée et responsable. Des équipes dédiées et autonomes pourront certainement prendre des décisions plus rapidement et « agiliser » les processus actuels. Cependant, cela peut représenter un défi important dans une culture bureaucratique. C’est par le travail collaboratif multidisciplinaire que de nouvelles solutions émergent pour atteindre les bénéfices recherchés et pour mieux gérer les conséquences économiques, environnementales et sociales.
Transparence requise. Cette agilité doit être accompagnée par une reddition de comptes claire et constante, permettant d’informer la population sur les décisions prises ainsi que sur la performance du projet.
Ces mesures sont nécessaires pour préserver les bases d’une gestion saine et responsable des projets d’infrastructure. La crise de la COVID-19 a bien montré à quelle vitesse le gouvernement québécois peut agir quand il en a besoin ; mais il ne faut pas le faire sans réflexion.