Les proches aidants sont eux aussi des experts

En ce moment de crise sanitaire, estime l'autrice, les proches aidants pourraient, en respectant des mesures barrière, prêter main-forte.
Photo: iStock En ce moment de crise sanitaire, estime l'autrice, les proches aidants pourraient, en respectant des mesures barrière, prêter main-forte.

Les réactions fusant de partout à propos des CHSLD sont parfois émises en mauvaise connaissance de cause. Il s’agit d’impressions, non d’avis tirés d’expériences vécues. Ma propre expérience comme proche aidante pendant vingt ans m’a permis de m’immiscer au cœur même de divers types d’hébergement pour aînés, de la résidence privée au CHSLD en passant par une ressource intérimaire, l’unité d’hébergement en centre hospitalier en guise de transition dans l’attente d’une place dans l’ultime CHSLD. La principale leçon que je retiens ? On n’est jamais mieux que chez soi et jamais mieux servi que par ses proches !

Ce qui me désole le plus en ce temps de pandémie, c’est à quel point on a évacué l’expertise, j’emploie ce mot délibérément, des proches aidants du jour au lendemain. Montrez-moi un proche aidant qui refuserait de se conformer à des mesures de précaution strictes afin de protéger son père ou sa mère. Il n’en existe pas. Tout le temps où je me suis occupée, du maintien à domicile d’un aîné dans ma famille et belle-famille, j’avais droit au respect de tous les intervenants. On me prenait toujours au sérieux, comptant énormément sur mes constats, répondant à mes questions. J’étais une alliée, un membre de l’équipe, un atout. Ce fut ainsi lors du passage en ressource intermédiaire, en lieu de transition, au cours de séjours en soins aigus à l’hôpital. C’était à la fois exigeant et enrichissant.

Mais tout a changé, dans notre cas, dès l’admission en CHSLD : l’attitude envers ceux qui avaient de très dévoués proches aidants n’était plus nécessairement empreinte d’une grande ouverture d’esprit. Je me demande si c’est un des facteurs qui expliquerait que 90 % des proches en viennent à délaisser les résidents. Ce que j’ai vécu a suscité en moi beaucoup de frustrations. Soudainement, j’avais affaire à des infirmières et à des préposées, certes compétentes, mais qui connaissaient mieux le proche parent que moi, ne voulaient pas m’éclairer quand je me demandais comment je pouvais contribuer à une meilleure adaptation dans un nouvel environnement où les autres résidents ne parlaient pas et se montraient parfois hostiles. Elles savaient tout, je ne savais rien. En outre, j’ai souvent eu à corriger des manquements aux services de base (toilette personnelle, habillement, hydratation, collation) durant mes visites, notamment en fin de semaine, durant des congés fériés et l’été, vu la pénurie de personnel.

Dans le CHSLD sans la COVID où demeure une proche parente, je ne peux plus lui rendre visite depuis le 14 mars. Ma présence lui procurait la liberté d’avouer sa solitude et son insatisfaction voire sa frustration parfois qui la rendait impatiente. Je jugeais sur place comment je pourrais corriger. Elle tenait à ce que je vérifie ses effets dans sa chambre, cela la rassurait. Elle n’a pas eu besoin que je l’aide à manger, à boire, à marcher, cette aînée a eu besoin de mon accompagnement pour ne pas se sentir oubliée, incomprise, trop médicamentée. J’ai pu faire comprendre le besoin de mieux stimuler, d’offrir du divertissement. J’y ai participé. Or, depuis le 14 mars, il n’y a plus d’activités.

J’ignore si l’on me laissera faire des visites dans un proche avenir Ce n’est que lorsque je suis présente que j’ai l’heure juste, quand je vois cette personne âgée vulnérable qui, certes, oublie, peut même ne pas me reconnaître complètement, mais pour qui je demeure une boussole. Or, mon apport n’est pas encore jugé essentiel. Il le serait actuellement en France. Je ne demande que le droit de rendre visite prudemment une seule fois par semaine ou toutes les deux semaines, que cesse une distanciation accentuant un déclin.

Dès l’admission en CHSLD, ma compétence, mon expertise se sont évanouies subitement. C’est comme si mon engagement n’avait que peu de valeur. Pourtant, en ce moment de crise sanitaire, les proches aidants pourraient, en respectant des mesures barrière, prêter main-forte. On impose des règles incongrues à mon avis, dont celle de fournir un constat de COVID négatif, mais il est impossible de passer un test quand on est asymptomatique !

À voir en vidéo