Les régions peuvent bénéficier du «Panier bleu»

Le « Panier bleu » lancé par le gouvernement du Québec représente une bonne idée. Concrétisée en politique publique, elle devient une stratégie qui aura des incidences bénéfiques en régions en stimulant particulièrement les spécificités des terroirs. Ce qui s’inscrit parfaitement dans la recherche actuelle d’options nouvelles afin de relancer l’économie régionale post-COVID-19 au-delà du simple retour à la normale.
Dans l’effervescence propice à la créativité, les idées proposées nécessitent un cadre global de réflexion pour donner du sens aux résultats en fonction des intérêts supérieurs des régions. Ce qui pourrait permettre d’examiner l’histoire récente, de saisir les tendances lourdes et de mieux envisager l’avenir régional.
L’économie des régions a vraiment décollé avec l’arrivée d’imposants capitaux extérieurs. À l’exception de certaines zones de terres fertiles aux lacs Témiscamingue et Saint-Jean, dans les vallées de la Matapédia et du Haut-Saguenay, ainsi que dans Charlevoix et le Bas-du-Fleuve, les grands projets exogènes ont été en réalité les véritables moteurs du développement régional.
À l’analyse, on distingue à cet effet de grands cycles de croissance directement associés à de fortes poussées de l’économie globale. Ont été ainsi établis des scieries, des pulperies, des mines, des papetières, des usines de poissons, des barrages et des centrales, des alumineries et d’autres extracteurs de ressources naturelles désireux de répondre à la forte demande de matières premières causée par l’industrialisation et l’urbanisation. Des villes champignons sortirent de terre un peu partout en périphérie accessible.
Puisque les rentes forestières, minières et hydroélectriques étaient largement drainées vers les sièges sociaux de New York, de Toronto ou, au mieux, de Montréal, les champignons demeurèrent de tailles très modestes même si les volumes de matières expédiées sur les marchés ne l’étaient pas.
Néanmoins, les importantes immobilisations attirées en de nombreux lieux bien dotés en ressources naturelles ont créé de formidables environnements d’occasions d’affaires pour l’entrepreneuriat. De ces conditions favorables résulta une longue explosion démographique pour les six régions périphériques. Elle leur a permis ensemble d’atteindre 17 % de la population du Québec en 1960.
Signalons toutefois que les richesses naturelles extraites et expédiées à l’état brut, en utilisant de plus en plus de technologies qui éliminent les travailleurs, génèrent de moins en moins de retombées financières dans les circuits régionaux, et ce, malgré les coûts environnementaux. L’environnement économique régional en souffre. En outre, les réserves de ressources naturelles ont maintenant atteint leurs limites en matière d’attractivité de grands projets, devenus beaucoup plus rares en régions, qui en sont pourtant dépendantes. On comprend ainsi que le nouveau grand cycle de capitalisation régionale bien claironné par les instigateurs du Plan Nord s’avère fort décevant à cet égard, en s’inscrivant telle une simple vaguelette coûteuse pour le trésor public.
Un élan battu en brèche
Pour parer à ces fléaux, dès les années 1980 fut mise en œuvre une nouvelle stratégie régionale basée sur l’incubation de PME. En misant sur divers services publics de soutien aux initiatives largement financées par des programmes des gouvernements supérieurs, l’idée forte était de reproduire la Beauce en régions périphériques.
Une terminologie sophistiquée fut appliquée pour stimuler les troupes. Or, cet élan entrepreneurial idéaliste fut battu en brèche par un grand mouvement d’intégration économique animé par les géants financiers, d’abord dans le sciage du bois, l’agroalimentaire et les commerces, ensuite dans l’alimentation, la restauration rapide et les services professionnels, pour finalement coiffer le tout avec l’arrivée des grandes surfaces telles que Costco et autres Walmart, appelées communément les « killers ».
Certes, la résilience entrepreneuriale fut au rendez-vous en région, notamment au sein de petites grappes de fabricants, de services spécialisés, d’équipementiers, de constructeurs, de fines cuisines, de services touristiques, de commerces locaux, de niches du terroir, etc. Elle est néanmoins insuffisante pour restructurer les économies régionales érodées par les fuites financières accrues causées par la dépossession de la propriété locale et régionale.
En conséquence de ces faits, les économies régionales du Québec sont au mieux stagnantes, même si elles exportent davantage de matières premières au bénéfice du PIB québécois et canadien. La population de la périphérie ne représente désormais que 10 % de celle du Québec et se positionnera autour de 7 % au milieu du siècle.
Cette lente et pernicieuse décroissance démographique menace les bassins de main-d’œuvre ainsi que la pérennité des équipements d’éducation, de la culture, de l’environnement, de la santé, des loisirs, de la voirie, etc., qui représentent en région un magnifique acquis du Québec moderne. Certains observateurs demeurent confiants envers l’incubation de PME. D’autres souhaitent de grands chantiers créateurs d’occasions comme au lac Bloom, à Malartic, à La Romaine ou à Grande-Anse. Tandis que d’autres encore cherchent une toute nouvelle stratégie.
La réflexion collective ne demande qu’à se faire. Comment la valoriser correctement en région ?
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